La maison est bien
fraîche et c’est peu de le dire. Albert se dépêche d’allumer le poêle à bois.
Il avait passé une semaine dans la maison au mois de juillet sans avoir pensé à
préparer son retour.
Il a juste acheté un
petit panier de provisions, histoire de tenir jusqu’au 2 janvier. Et quand le
poêle aura démarré, il va faire son lit, avaler une aspirine, casser une croûte
sur un coin de table et se planquer dans les plumes jusqu’à l’année prochaine.
A ce propos, il pense qu’il vaut mieux décrocher le téléphone, inutile de se
faire réveiller à minuit pétantes par des gonziers éméchés.
A propos de grelot, punaise,
le voilà qui sonne. Que faire ? Laisser sonner, pas d’emmerdes ce soir. Ça
sonne longtemps puis s’arrête. Tant mieux.
Deux minutes de plus et
ça recommence. Lassé, Albert décroche :
-
C’est toi, mon bel Albert ? demande
une voix d’homme assez vite identifiée comme étant celle de Mario Tobinet, un
vieux copain.
-
Salut tatoi, brave pioupiou et illustre
casse-pompon, répond Albert.
-
Ah, je te reconnais bien là, mon joli.
Comment te supportes-tu ?
-
Mal. Depuis un bout de temps et c’est
encore pire depuis que j’ai décroché le biniou…
-
Ooooh ! C’est pas gentil, ça !
Et moi qui t’appelle pour te dire qu’on t’attend chez moi pour fêter la Saint
Sylvestre, il y a du gras foie, du jaune pâté, des claires huitres, du fin chapon,
des glacés ou non marrons et surtout plein, plein de copines. Et ce qui manque,
c’est des mecs, des vrais et des bons, comme
toi par exemple… J’ai essayé trente-six fois de te téléphoner, j’me suis dit il
est encore sur son chantier au fin fond des pétruques mais je réessayerai. Et
maintenant, si tu as répondu, pas de doute, c’est que tu vas passer le
réveillon tout seul dans ton coin et ça c’est pas bon du tout, tu piges ?
Mario, c’est plutôt le
bon gars, festif et convivial, chaleureux et serviable. Le genre qu’on n’a pas
envie de rabrouer mais là, vraiment, ça le gonfle à Albert. Il a quand même son
échappatoire :
-
Ecoute, Marc, c’est super ta proposition
mais je viens de débarquer, je ne suis pas bien, je commence une crève, je ne
peux vraiment pas venir…
-
Là, tu as raison, faut pas venir avec une
crève, faut venir en forme, sain de corps et d’esprit. Alors, écoute le docteur
Mario : prends-toi une aspirine, va te foutre au plumard en mettant le
réveil, pas plus de deux heures de sommeil ! Tu te réveilles, ça va déjà
mieux, tu te prends un bon bain bien chaud, tu sautes dans tes fringues et dans
ton tacot. Tu te pointes ici sur le coup de neuf heures et demie, dix heures au
max, fringant et plein d’appétit. Allez, zou et au plume !
En fond sonore, il y a de
l’ambiance chez lui. Et des voix de nanas reprennent en écho sa dernière
phrase. Une d’entre elles prend carrément le combiné et lui susurre gentiment
qu’elle l’attend ce soir. Je réponds sans ambages :
-
Ecoute-moi, tu as raison toi aussi, chérie :
une chose est certaine, je vais suivre la première partie du protocole,
aspirine et dodo. Pas de réveil car si je peux venir, je me réveillerai tout seul
comme un grand. Et n’essayez pas de jouer le réveil téléphonique, je débranche.
Faites confiance au programme, bons baisers et à bientôt !
(à suivre...)
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