Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. L’association Gens du Monde a organisé son onzième concours d’écriture
en 2018, les résultats sont sortis et il m’a été attribué une mention spéciale
« fragment » pour ma participation. L’ensemble des textes primés sera
édité dans un ouvrage collectif qui sera intitulé « Le goût du
bonheur », ce qui était le thème du concours. Vous pourrez trouver ce
recueil sur le site « épingle à nourrice-éditions ». Je vous propose
donc en avant-première mon texte.
Car
le goût du bonheur c’est comme
S’il
était contenu, en somme,
Tout
entier dedans une pomme
Il avait entre les mains
une pomme, une belle pomme, une de ces reinettes aux joues rouges qui
garnissaient un arbre ancien aux racines profondes. Arrivant au bon moment, il
avait fait le geste simple pour recueillir ce cadeau. Cet arbre en avait vu
passer des promeneurs et nombreux furent ceux qui voulurent refuser de tendre
la main ou de se baisser pour goûter ce fruit si rond, si brillant ;
certains même, d’un coup de pied, débarrassèrent le chemin de cet embarras
incongru, aussi inutile que nuisible, selon eux.
A leurs yeux, la pomme
était ce fruit défendu qui poussa dans le jardin d’Eden et qui fut, avec le
serpent, à l’origine de la chute du premier couple humain hors du paradis
terrestre ; ce fruit objet de la discorde entre Héra, Aphrodite et Athéna,
la pomme du jardin des Hespérides bouleversant les noces de Pelée et Thétis. Et
aussi le fruit complice de la méchante reine et qui empoisonna Blanche-Neige
après qu’elle l’eut porté à sa bouche. Puis encore la pomme ambiguë de Steve
Jobs ou la pomme hégémonique – Big Apple au bord de sa rivière – qu’est la
ville de New-York. Le fruit qui, selon ces tristes esprits, sème le désaccord
et porte les vendanges de la zizanie.
Voilà bien ce qui détruit
la vie et l’espérance, refuser d’apprécier et de partager les plus simples
choses sur le chemin ainsi que la décision de baisser les yeux devant le matin
lumineux comme celle de tourner le dos au couchant radieux. Le goût du bonheur
est tout entier dans une seule pomme, brillante au soleil et douce au palais,
pomme d’api, belle de Boskoop ou Granny Smith, pomme d’août ou reine des
reinettes. La pomme est ce fruit dont la chair, douce ou acidulée, nourrit et
dont les multiples pépins sont la promesse d’autres fruitiers sur le chemin.
L’humain ne peut pas être ce pantin à ficelle qui agite ses membres ligneux à
la moindre traction, sans que nul sentiment ne l’agite. Car il est capable de
sentir, à travers une simple bouchée, le goût du bonheur.
Car
le goût du bonheur c’est comme
S’il
était contenu, en somme,
Tout
entier dedans une pomme
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