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jeudi 25 avril 2019

Appelez-moi Fortunio (11)


Le temps qu’il se rende compte de ce qui lui arrivait, la tantine avait harponné la somme, réinvestie aussitôt dans l’achat d’une propriété à Marmande où elle espérait se retirer, loin des PMU, bistros et compagnie. Mais le tonton était vissé à sa table et il fallut attendre que son foie démissionne pour qu’elle puisse aller habiter sa ferme. Mais elle ne pouvait pas travailler vingt hectares et elle choisit de vendre les terres cultivables d’une part et nombre de parcelles éclatées en terrain à bâtir. La tantine se fit une jolie pelote à une époque où on pouvait encore faire de jolies plus-values et elle acheta deux autres immeubles de rapport à Agen. Puis, le temps a passé et elle a décidé de partir en maison de retraite et de donner en viager ses biens immobiliers à sa filleule, notre Christelle. Qui, depuis deux ans, se trouvait à la tête d’un patrimoine immobilier dont un immeuble dans lequel elle s’était gardé un petit studio qui lui permettait de loger les deux ou trois nuits par semaine qu’elle venait travailler à l’hôpital psy. Ce patrimoine nécessitait des réparations, la tante ne s’était guère préoccupée de l’entretien des bâtisses et c’est là que Christelle voulait en venir : elle voulait se faire conseiller et aider par Albert.
Pendant qu’elle parlait, Albert l’observait, un peu comme si les rôles étaient inversés, comme s’il était le soignant à l’écoute de sa patiente. Et il était un peu perplexe car plus Christelle partait dans de grandes explications, plus elle semblait parler pour parler, pour ne pas parler d’autre chose, pour remplir une absence. Il mangeait ave appétit alors qu’il la voyait chipoter tout en parlant. Ils étaient arrivés au dessert, puis elle changea brusquement de ton en proposant d’aller au cinéma. Le film était vraiment sans intérêt, il aurait du mal à s’en souvenir car Christelle s’installa confortablement accrochée à son cou. Il eut même l’impression qu’elle s’endormait par moments. Et à la fin du film, elle insista pour boire un verre avant, dit-elle, d’aller lui montrer l’immeuble où elle avait son studio. Albert n’est pas entré dans tous les détails de cette soirée mais elle se termina, après deux whiskies, dans le studio de Christelle et plus précisément dans le lit dudit studio.
Ce fut le début d’une belle idylle : Christelle venait à Agen le dimanche en fin d’après-midi, ils passaient la soirée et la nuit ensemble, parfois aussi celle du lundi. Il fut aussi question de travaux, bien sûr, mais cela était la cerise sur le gâteau.
Ils avaient beaucoup fait l’amour mais aussi beaucoup parlé, Albert avait raconté son histoire d’amour avec Lélia, cette histoire qui avait tourné au fiasco, il avait parlé de ses scrupules idiots, de ces espoirs qu’il avait du mal à lâcher. Mais Christelle n’acceptait que de l’écouter, jamais de compatir ou de conseiller. Elle-même avait ses contradictions, ses deux enfants dont ses beaux-parents se chargeaient en son absence, son mari coureur de jupons, sa grande maison, son train de vie et par-dessus tout cela, un amant dont tout ce qu’elle savait c’est que c’était une sorte d’ours des montagnes bien difficile à faire sortir de ses cavernes. C’est ainsi que l’avait décrit Mario et elle avait décidé, comme par défi, qu’elle le voulait. Et elle l’avait. Et peu importait qu’il se torturât avec le petit doigt pour une mousmé inaccessible, elle l’avait, lui, pour elle. Enfin, deux soirs par semaine…
(à suivre...)

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