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jeudi 11 avril 2019

Appelez-moi Fortunio (9)


Sa voiture est garée à une vingtaine de mètres, une Fiat 600, une descendante de la Topolino. Ils s’engouffrent à l’intérieur et Christelle démarre.
-          Bon, côté bistro, c’était pas génialement trouvé mais je voulais un endroit où je ne risque pas de rencontrer des collègues. Pour le restaurant, je suis mieux renseignée, je t’emmène à La Coquille. C’est un peu cher mais nettement plus discret, tu verras.
-          Tu as réservé ? C’est assez sélectif…
-          Je connais bien les patrons, sache seulement que j’ai aidé leur fille à s’en sortir, un petit boulot bénévole en marge de ma profession. Ne m’en demande pas plus mais il faut simplement que tu saches pourquoi nous serons bien accueillis !
Effectivement, Christelle passe devant et le loufiat en chef l’accueille avec déférence, on sent qu’elle est en terrain connu. Elle demande un petit salon, il les fait patienter juste le temps qu’il faut pour laisser entendre que c’est une faveur réservée aux hôtes de marque et ils se retrouvent dans une piécette feutrée où les attendent deux couverts. Ils s’assoient et déjà on leur sert quelques amuse-gueules et deux kirs aligotés et authentiques, loin des mêlécasses de bistros.
-          Mon petit apéritif de prédilection, tu n’as pas le choix, dit-elle en voyant l’air dubitatif de son invité.
-          Je comprends que, ce soir, ma marge de manœuvre est singulièrement réduite. Mais jusqu’à présent, je dirai que tout va bien, même si j’ai cru un moment à une mauvaise plaisanterie, répond-il.
-          Il faudra que tu t’y fasses, je suis désolée mais j’ai un travail qui, parfois, ne me permet pas d’être à l’heure dite…
-          J’entends deux infos dans ce que vous…tu dis : il y aura d’autres fois, d’une part, et il y aura d’autres retards d’autre part.
-          Exactement. Alors, plutôt que d’ergoter, trinquons !
Et ils trinquent, les yeux dans les yeux. Albert se sent pris au piège de ces yeux qui l’ont déjà subjugué au premier de l’an. Il secoue un peu la tête, comme pour se libérer de cette emprise. Christelle le regarde bien et reprend :
-          Je veux savoir qui est Albert. Oh, Mario nous a bien parlé de toi, dans sa bouche tu es un personnage de légende. Il nous avait dit qu’il allait faire descendre l’ours de sa montagne pour le réveillon.
-          Il est descendu et la légende, en devenant réalité, a perdu beaucoup de son charme…
-          Au contraire, plus on te connait, plus tu deviens mystérieux. Je te dis que je veux savoir qui est Albert. Je n’ai pas l’ambition de tout savoir, mais un peu beaucoup quand même …
-          Déformation professionnelle ?
-          Je veux que cela soit bien clair : je laisse ma profession au boulot et si tu crois avoir une psy en face de toi, il vaut mieux que tu te barres au plus vite ! Quand je dis que je veux savoir qui est Albert, je veux savoir qui est Albert. Et si tu te sens tordu, tu iras te faire soigner ailleurs.
(à suivre...)

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