Auditrices et auditeurs qui m’écoutez,
bonjour. Cela s’est passé près de chez vous, c’était il y a cinquante ans mais
les choses ont-elles bien changé sur le fond ? Je parle d’un livre publié
en 1974 sous le titre « Quatre ans dans l’enfer des fous ». Ce livre
raconte l’histoire d’un jeune homme de 18 ans, un peu branleur et qui a pris
une motopompe à son père adoptif pour la revendre, pour se faire un peu
d’argent, de l’argent à dépenser… Le père adoptif n’est pas content du tout
bien qu’il adore ce gamin qu’il a adopté et élevé. Mais ce père, plus tout
jeune mais qui aime toujours beaucoup les femmes, est tombé sous l’influence
d’un couple de jardiniers peu scrupuleux, et c’est bien peu de le dire. Ce
gamin ne peut être considéré comme voleur car il n’y a pas vol entre père et
fils mais le couple va persuader le père, pour donner une bonne leçon au gosse,
de faire une fausse facture à leur nom afin de porter plainte. Et c’est là que
s’emballe la machine, de Villeneuve sur Lot à la prison et à l’asile.
Jean Maurice, c’est le nom de ce fils, va
se retrouver en prison à Agen. Il va en sortir au bout de plus de six mois,
ayant fait la grève de la faim, hurlé de désespoir et clamé son innocence. Mais
en sortir, après avis médical, pour
se retrouver dans ce qui est considéré à l’époque comme le pire des asiles
psychiatrique, l’hôpital pour les fous criminels, dans le Bordelais. Accusé et
condamné à tort, le voilà maintenant expertisé comme fou et enfermé avec les
fous dits dangereux. Et qui, pour la majeure partie d’entre eux, le sont
vraiment. Il croit avoir touché le fond.
Revenons au début du livre : un
avertissement de l’auteur signale que « la vie privée d’infirmiers, de
médecins et de malades est engagée dans ce livre-témoignage. Sans en détruire
l’authenticité, les auteurs ont modifié des initiales, certains prénoms ainsi
que des détails et scènes par trop identifiables. » En effet, si les fous
sont présents dans ce récit, il y a des soignants aussi et même si l’auteur ne
force pas le trait, le rôle de certains d’entre eux n’est guère reluisant et l’enfer
des fous appartient autant à ceux qui le peuplent qu’à ceux qui le gardent.
Les jours passent, les mois et les années,
Jean Maurice a compris que plus il clame son innocence, plus cela fait de lui
un fou aux yeux de ceux qui savent et
que de nier sa folie ne fait que l’aggraver à ces mêmes yeux. Il rentre dans le
rang, trouve une amitié et apprend la reliure. Sa mère vient parfois le voir,
elle a peu d’espoir mais va tenter de lutter pour ce fils dont elle sait qu’il
a été condamné à tort et jugé fou sans raison. Et un jour –est-ce un beau
jour ? – il apprend qu’il va être transféré dans un hôpital psychiatrique
de Lot-et-Garonne. Enfin il va se trouver dans un lieu plus doux, plus humain,
pense-t-il. Mais c’est un homme qui a été transféré de la prison à la
psychiatrie et donc, on le considère toujours et encore comme dangereux et il
va se retrouver chez les débiles profonds, un pavillon fermé où « ils sont
là à crier, à gesticuler, monstres dégoulinants de pisse, aux visages
hallucinants. » Il croyait avoir touché le fond avec les dangereux mais il
va devoir s’habituer à vivre dans la pire nef des fous. Impuissant face à la
folie, soumis à la puissance des experts. Sa mère arrivera enfin à obtenir une
contre-expertise qui sera favorable, le préfet, sans hâte, signera sa libération
après Noël et Jean Maurice sortira le 25 janvier 1972… pour se retrouver en
butte à la folie du monde extérieur. Le couple diabolique sera condamné mais on
continuera à le traiter de fou. Le Président de la République demandera au
Préfet de lui trouver du travail mais il sera en butte aux tracasseries de ses
collègues.
On voit par-là que, de nos jours, une
telle histoire ne pourrait plus se produire.
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