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dimanche 14 avril 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs IV (31)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Cela s’est passé près de chez vous, c’était il y a cinquante ans mais les choses ont-elles bien changé sur le fond ? Je parle d’un livre publié en 1974 sous le titre « Quatre ans dans l’enfer des fous ». Ce livre raconte l’histoire d’un jeune homme de 18 ans, un peu branleur et qui a pris une motopompe à son père adoptif pour la revendre, pour se faire un peu d’argent, de l’argent à dépenser… Le père adoptif n’est pas content du tout bien qu’il adore ce gamin qu’il a adopté et élevé. Mais ce père, plus tout jeune mais qui aime toujours beaucoup les femmes, est tombé sous l’influence d’un couple de jardiniers peu scrupuleux, et c’est bien peu de le dire. Ce gamin ne peut être considéré comme voleur car il n’y a pas vol entre père et fils mais le couple va persuader le père, pour donner une bonne leçon au gosse, de faire une fausse facture à leur nom afin de porter plainte. Et c’est là que s’emballe la machine, de Villeneuve sur Lot à la prison et à l’asile.
Jean Maurice, c’est le nom de ce fils, va se retrouver en prison à Agen. Il va en sortir au bout de plus de six mois, ayant fait la grève de la faim, hurlé de désespoir et clamé son innocence. Mais en sortir, après avis médical, pour se retrouver dans ce qui est considéré à l’époque comme le pire des asiles psychiatrique, l’hôpital pour les fous criminels, dans le Bordelais. Accusé et condamné à tort, le voilà maintenant expertisé comme fou et enfermé avec les fous dits dangereux. Et qui, pour la majeure partie d’entre eux, le sont vraiment. Il croit avoir touché le fond.
Revenons au début du livre : un avertissement de l’auteur signale que « la vie privée d’infirmiers, de médecins et de malades est engagée dans ce livre-témoignage. Sans en détruire l’authenticité, les auteurs ont modifié des initiales, certains prénoms ainsi que des détails et scènes par trop identifiables. » En effet, si les fous sont présents dans ce récit, il y a des soignants aussi et même si l’auteur ne force pas le trait, le rôle de certains d’entre eux n’est guère reluisant et l’enfer des fous appartient autant à ceux qui le peuplent qu’à ceux qui le gardent.
Les jours passent, les mois et les années, Jean Maurice a compris que plus il clame son innocence, plus cela fait de lui un fou aux yeux de ceux qui savent et que de nier sa folie ne fait que l’aggraver à ces mêmes yeux. Il rentre dans le rang, trouve une amitié et apprend la reliure. Sa mère vient parfois le voir, elle a peu d’espoir mais va tenter de lutter pour ce fils dont elle sait qu’il a été condamné à tort et jugé fou sans raison. Et un jour –est-ce un beau jour ? – il apprend qu’il va être transféré dans un hôpital psychiatrique de Lot-et-Garonne. Enfin il va se trouver dans un lieu plus doux, plus humain, pense-t-il. Mais c’est un homme qui a été transféré de la prison à la psychiatrie et donc, on le considère toujours et encore comme dangereux et il va se retrouver chez les débiles profonds, un pavillon fermé où « ils sont là à crier, à gesticuler, monstres dégoulinants de pisse, aux visages hallucinants. » Il croyait avoir touché le fond avec les dangereux mais il va devoir s’habituer à vivre dans la pire nef des fous. Impuissant face à la folie, soumis à la puissance des experts. Sa mère arrivera enfin à obtenir une contre-expertise qui sera favorable, le préfet, sans hâte, signera sa libération après Noël et Jean Maurice sortira le 25 janvier 1972… pour se retrouver en butte à la folie du monde extérieur. Le couple diabolique sera condamné mais on continuera à le traiter de fou. Le Président de la République demandera au Préfet de lui trouver du travail mais il sera en butte aux tracasseries de ses collègues.
On voit par-là que, de nos jours, une telle histoire ne pourrait plus se produire.

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