Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.
Vous commencez à me connaître et s’il est une chose que vous avez certainement
remarquée, c’est la suivante : je ne donne jamais de conseil quel qu’il
soit. Et c’est bien en cela que l’on perçoit l’originalité de mes chroniques
alors que, à l’heure actuelle, tout le monde se mêle de vous dire ce qu’il faut
faire, que ce soient la publicité, les banques, les assureurs,
l’administration, les élus, j’en passe et des pires. Si on les écoutait tous,
on en arriverait à faire tout et son contraire, le contraire du contraire,
inversement réciproquement et patin couffin.
Une fois n’étant pas costume, je mettrai
néanmoins une cravate de conseilleur pour vous susurrer une recommandation utile.
En effet, je ne peux que vous exhorter à ne jamais vous plaindre ou à ne jamais
suggérer que quelque chose ne tourne pas rond. C’est bien là la quintessence de
mon expérience de laborieux : fais ton travail le mieux que tu peux, sans
bruit et sans plainte car tu peux laisser cela aux autres. Je m’explique :
au cours de mes activités salariées, j’ai toujours eu au-dessus de moi des
chefs et plutôt des petits chefs que des grands chefs. Je ne parle pas de la
taille du quidam, bien sûr, mais de sa position autant que de la taille de son
esprit. Si, malencontreusement, il arrivait que moi ou un de mes collègues
suggérions que nous avions rencontré et rencontrions encore un problème, le
petit chef s’en emparait. Histoire de montrer tant son autorité que sa capacité
à répondre aux embûches de la vie professionnelle. La première phrase qu’arbore
le petit chef en réponse à cela est : « il n’y a pas de problèmes, il
n’y a que des solutions ». La deuxième étant : « laissez tomber,
je m’en occupe ». Ah, au premier abord, les salariés concernés se
sentaient soulagés d’avoir remis leurs peines dans le giron de leur supérieur.
Ah, au deuxième rabord, les salariés consternés voyaient revenir le dit
supérieur avec un remède qui était pire que le mal. Ils auraient mieux fait de
se taire mais ils s’en rendaient compte un peu tard.
Pourquoi parler de ma petite et modeste
expérience ? Tout simplement parce que nous voyons en ce moment fleurir
les petits chefs et leurs solutions aux problèmes. Le grand débat organisé par
les petits chefs de la République n’aura servi qu’à cela et on voit déjà notre
petit, pardon, premier ministre régurgiter la bouillie des plaintes exprimées
non par la totalité de la population mais par ceux qui ont eu le temps de
répondre aux questions toutes faites qu’on leurs a posées. Et, comme l’on ne
s’y attendait pas, voilà que tout ce qui a été dit en débat ou écrit sur les
sites corrobore ce que pensait déjà auparavant le gouvernement. Cela n’est-il
pas étonnant ?
On aura beau jeu de dire tout ça pour ça
et je ne le dirai pas car si certains peuvent se poser la question de l’utilité
de ce débat, d’autres s’en sont frotté les mains tels que les cabinets de
conseil, les instituts de sondages et autres fabricants de courants d’air qui
furent agréablement rémunérés pour leurs indispensables collaborations.
On voit par-là que les petits chefs ont
encore de beaux jours devant eux.
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