En vedette !

jeudi 19 septembre 2019

Appelez-moi Fortunio (32)


-          Il a été réhabilité ?
-          Doucement, pas de grands mots ! On lui a simplement foutu la paix, on a simplement reconnu une erreur de diagnostic psychiatrique mais c’est tout. Tu ne penses tout de même pas que les acteurs de la procédure se sont jetés à ses pieds en lui demandant pardon ! Et les vrais coupables, le couple infernal, se baladent toujours en ville. Mais on lui a blanchi le casier, c’est déjà ça. Ce qu’il s’est passé, c’est que la mère a été voir le père adoptif et l’a trouvé dans un état misérable. Le couple infernal avait pris  possession de la maison, avait mis la main sur une partie de l’argent et avaient remisé le vieux dans une misérable masure au fond de la propriété. Le vieux a reconnu avoir fait une fausse facture sous la pression de ce couple. Total, le couple se voit contraint de quitter les lieux avec une mise en demeure de restituer l’argent qu’ils ont soutiré au vieux. Mais bien sûr, ils sont insolvables ou prétendument tels. Le vieux, quant à lui, n’a pas eu le temps de revenir dans ses meubles car il a dû être hospitalisé en urgence et il est décédé à l’hôpital. Daniel est son seul héritier et il est entré en possession de la propriété, il a réussi à récupérer une partie de l’argent de son père, ce que le couple infernal ne lui avait pas encore extorqué…
-          Alors, dit Albert en finissant sa déclinaison de canard, tout est bien qui finit bien !
-          Oui, monsieur, vous avez presque tout compris…
-          Presque ?
-          Que prends-tu comme dessert ? Il paraît qu’ils ont un soufflé à la verveine qui est à tomber ! Ou alors, un sabayon, peut-être ?
-          Va pour le soufflé à la verveine, pour voir si j’en tombe…
-          Alors, cela sera une paire de soufflés, dit-elle prestement.
Le sommelier vient verser le vin et, après avoir repris son souffle, elle reprend :
-          Donc, il me faut remonter un peu en arrière : dès que la vérité a commencé à se faire jour, les psys de la prison psychiatrique ont bougé de quelques millimètres et, pour ne pas trop se déjuger, ils nous ont refilé le bébé sous prétexte de le rapprocher de chez lui. Je ne l’ai pas eu tout de suite dans mon service car il y a eu expertise et contre-expertise pour finalement le déclarer sain d’esprit. C’est là que nous l’avons pris en charge afin de préparer son retour à la vie ordinaire. Car quelqu’un de normal qui vit plus de quatre années d’enfer carcéral et psychiatrique n’en ressort pas totalement indemne. Nous avons eu de longs entretiens, c’est comme cela que je connais bien son histoire. Donc, voilà Daniel prêt à rentrer chez lui, on s’est occupé de mettre ses finances au clair, de virer les occupants indésirables et surtout de faire nettoyer la maison et la propriété. Une maison, un petit château peut-on dire, une maison splendide avec un parc beau et mystérieux. Le seul hic : le père adoptif est décédé et Daniel va donc habiter seul dans cette grande bâtisse. Mais il est prêt à assumer et on décide une première sortie d’une semaine. Si tout va bien, il reviendra nous voir pour nous dire ce qu’il veut faire. Quoiqu’il en soit, nous soignants n’avons plus autorité pour le faire revenir dans l’institution, c’est une simple possibilité qui lui est offerte mais on la lui doit bien après l’épreuve qu’il a subie. Donc, le voilà qui passe une première semaine chez lui. Au bout de cette semaine, il vient me voir pour me dire que tout se passe bien. Il a du mal à organiser sa vie de tous les jours, faire à manger, son linge etc. Mais il a une aide qui vient trois fois dans la semaine à domicile. Il a l’impression de reprendre ses marques dans cette grande bâtisse et il a la volonté d’y arriver. Donc, il ne revient pas en institution. Et pendant quinze jours, plus de nouvelles.
-          Le soufflé à la verveine est délicieux mais je sens venir l’embrouille, coupe Albert.
(à suivre...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire