-
Il a été réhabilité ?
-
Doucement, pas de grands mots ! On
lui a simplement foutu la paix, on a simplement reconnu une erreur de
diagnostic psychiatrique mais c’est tout. Tu ne penses tout de même pas que les
acteurs de la procédure se sont jetés à ses pieds en lui demandant
pardon ! Et les vrais coupables, le couple infernal, se baladent toujours
en ville. Mais on lui a blanchi le casier, c’est déjà ça. Ce qu’il s’est passé,
c’est que la mère a été voir le père adoptif et l’a trouvé dans un état
misérable. Le couple infernal avait pris possession de la maison, avait mis la main sur
une partie de l’argent et avaient remisé le vieux dans une misérable masure au
fond de la propriété. Le vieux a reconnu avoir fait une fausse facture sous la
pression de ce couple. Total, le couple se voit contraint de quitter les lieux
avec une mise en demeure de restituer l’argent qu’ils ont soutiré au vieux.
Mais bien sûr, ils sont insolvables ou prétendument tels. Le vieux, quant à lui,
n’a pas eu le temps de revenir dans ses meubles car il a dû être hospitalisé en
urgence et il est décédé à l’hôpital. Daniel est son seul héritier et il est
entré en possession de la propriété, il a réussi à récupérer une partie de
l’argent de son père, ce que le couple infernal ne lui avait pas encore
extorqué…
-
Alors, dit Albert en finissant sa
déclinaison de canard, tout est bien qui finit bien !
-
Oui, monsieur, vous avez presque tout
compris…
-
Presque ?
-
Que prends-tu comme dessert ? Il
paraît qu’ils ont un soufflé à la verveine qui est à tomber ! Ou alors, un
sabayon, peut-être ?
-
Va pour le soufflé à la verveine, pour
voir si j’en tombe…
-
Alors, cela sera une paire de soufflés,
dit-elle prestement.
Le sommelier vient verser
le vin et, après avoir repris son souffle, elle reprend :
-
Donc, il me faut remonter un peu en
arrière : dès que la vérité a commencé à se faire jour, les psys de la
prison psychiatrique ont bougé de quelques millimètres et, pour ne pas trop se
déjuger, ils nous ont refilé le bébé sous prétexte de le rapprocher de chez
lui. Je ne l’ai pas eu tout de suite dans mon service car il y a eu expertise
et contre-expertise pour finalement le déclarer sain d’esprit. C’est là que
nous l’avons pris en charge afin de préparer son retour à la vie ordinaire. Car
quelqu’un de normal qui vit plus de quatre années d’enfer carcéral et
psychiatrique n’en ressort pas totalement indemne. Nous avons eu de longs
entretiens, c’est comme cela que je connais bien son histoire. Donc, voilà
Daniel prêt à rentrer chez lui, on s’est occupé de mettre ses finances au
clair, de virer les occupants indésirables et surtout de faire nettoyer la
maison et la propriété. Une maison, un petit château peut-on dire, une maison
splendide avec un parc beau et mystérieux. Le seul hic : le père adoptif
est décédé et Daniel va donc habiter seul dans cette grande bâtisse. Mais il
est prêt à assumer et on décide une première sortie d’une semaine. Si tout va
bien, il reviendra nous voir pour nous dire ce qu’il veut faire. Quoiqu’il en
soit, nous soignants n’avons plus autorité pour le faire revenir dans
l’institution, c’est une simple possibilité qui lui est offerte mais on la lui
doit bien après l’épreuve qu’il a subie. Donc, le voilà qui passe une première
semaine chez lui. Au bout de cette semaine, il vient me voir pour me dire que
tout se passe bien. Il a du mal à organiser sa vie de tous les jours, faire à
manger, son linge etc. Mais il a une aide qui vient trois fois dans la semaine
à domicile. Il a l’impression de reprendre ses marques dans cette grande
bâtisse et il a la volonté d’y arriver. Donc, il ne revient pas en institution.
Et pendant quinze jours, plus de nouvelles.
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Le soufflé à la verveine est délicieux
mais je sens venir l’embrouille, coupe Albert.
(à suivre...)
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