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jeudi 7 novembre 2019

Appelez-moi Fortunio (39)


-          Ils sont divorcés depuis au moins 10 ans et elle vit à Villeneuve de Sciérac. Elle n’a rien fait pour lui, ou rien pu faire. Elle a eu d’autres enfants après le divorce… et d’autres soucis. Mais c’est quand même elle qui a fait beaucoup, après, pour le sortir de psychiatrie. Donc, le vieux, affaibli et sous la coupe des jardiniers, a fait tout ce qu’ils lui demandaient.
-          Je suppose qu’il a bien fait de mourir juste avant que Daniel ne sorte de l’hôpital…
-          Ne crois pas cela, Daniel ne lui tient pas rancune et il a eu vraiment de la peine, il aurait aimé le revoir. Toujours est-il que Daniel est rentré en possession de son héritage quoique les jardiniers en question le lui contestent avec un soi-disant testament dont personne n’a jamais vu la couleur. En fait, si Daniel devait maintenant péter les plombs et se retrouver en psychiatrie, ils pensent bien qu’ils en profiteraient pour s’approprier ses biens…
-          Ils arriveraient à sortir un testament de leur chapeau ?
-          Ils ont pris un avocat et ils seraient en train de lancer une procédure mais je n’en sais pas plus. Allons, on arrive à Soméjac, je vais faire un détour pour ne pas passer dans le village. Le château est à environ un kilomètre mais on ne peut pas le voir, il est masqué par les bois.
Elle prend une petite route qui contourne le bourg et, après un bois de chênes, apparaît la maison. Elle se trouve dans un parc boisé fermé par un mur en pierres percé d’une grille tenue par deux colonnes. Ce qui lui donne son aspect majestueux, c’est au milieu l’escalier d’entrée à double révolution et les deux tourelles qui encadrent l’habitation. Ces petites tours, dépourvues de fenêtres, sont en réalité des pigeonniers avec chacun leurs pierres d’envol sur lesquelles sont posés des pigeons. Elles sont cerclées de randières en céramique vernissée, la randière étant, quelle que soit sa forme, la défense du pigeonnier contre les prédateurs capables de grimper le long des murs. Leurs toitures pointues sont couronnées chacune d’un orgueilleux épi de faîtage ce qui accentue l’aspect de castel de cette maison très symétrique avec deux hautes fenêtres de chaque côté de l’entrée monumentale. A l’étage, cinq fenêtres sont disposées avec la même symétrie et par-dessus, cinq lucarnes meunières s’encastrent dans la toiture. Sans avoir un aspect délabré, l’ensemble paraît manquer d’entretien, les volets sont défraîchis, mi- ouverts ou mi- fermés, et deux sont en pantenne. Le tout au milieu de ce qui semble avoir été un parc mais qui aujourd’hui, sans être toutefois à l’abandon, manque d’entretien, ce qui ajoute encore au charme mystérieux du lieu.
-          On pourra dire ce qu’on voudra, dit Albert, mais j’adore ce petit castel, cette ambiance mystérieuse, on dirait que le temps s’est figé ici…
-          On peut le dire, c’est ici que le temps s’est figé pour Daniel, répond Christelle.
-          Il y a plus longtemps que cela, dit Albert, rêveur.
-          Que veux-tu dire par-là ?
Albert regarde, songeur la maison :
-          Sauf quelques tuiles qui ont été changées, sans doute dans les dix dernières années, cette maison n’a eu aucun entretien extérieur depuis… je dirais entre cinquante et quatre-vingts ans à la louche. Les peintures des volets et des fenêtres, les dalles et les chéneaux, la mousse… Je ne sais pas comment est l’extérieur mais s’il est à l’avenant, ça doit être un peu poussiéreux là-dedans !
(à suivre...)

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