-
D’après ce que m’en a dit Daniel, il y a
une femme de ménage qui vient une matinée tous les quinze jours, je sais que
c’est bien peu mais elle serait passée hier…
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Elle a une clé de la maison ?
-
Obligatoirement, elle doit pouvoir entrer
dans la maison. De plus, le vieux Rambaud avait fait installer une salle de
bains et une cuisine, je n’en sais pas plus mais tu seras bien placé pour en
juger. Allons, on ne va pas rester ici, je vais te faire voir l’endroit par où
tu vas passer demain aux petites heures pour rejoindre la maison discrètement.
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Aux petites heures ?
-
Oui, on va aller manger dans une auberge
que je connais et je te déposerai vers minuit, une heure du matin…
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Voilà qui est charmant… je suppose que je
vais avoir une clé moi aussi !
-
Attention ! Tu vois ce passage dans
la clôture, il y a en principe un petit chemin qui passe à côté et qui arrive
sur l’arrière de la maison. Tu arriveras bien à t’orienter, ouvre la boîte à
gants, tu trouveras une clé en effet, elle ouvre la porte arrière. Surtout,
n’allume pas la lumière et reste dans les pièces à l’arrière de la maison. Dans
une chambre, tu devrais trouver un lit tout prêt.
Albert, quoique médusé
par l’aplomb avec lequel Christelle lui balance tout cela, reste songeur. Car
ce tout cela l’intrigue, il a l’impression de jouer au petit scout, lui qui n’a
jamais connu Baden Powell et ses sbires.
Christelle l’emmène vers
un village, assez loin de là, où il y a une auberge. Heureusement elle avait
réservé car l’accueil manque de chaleur et le menu est dénué d’originalité.
Pour assurer ses arrières, il commande une salade landaise puis du rognon sauce
madère. La salade est garnie de gésiers de volailles mal confits et de cerneaux
de noix légèrement rances. Quant au rognon, il a connu des jours meilleurs et
la sauce madère est sortie d’une boite en carton où elle était lyophilisée. Heureusement,
le plateau de fromage était correct car Christelle lui interdit tout commentaire
– surtout ne pas se faire remarquer – et a commandé une bouteille de Cap de
Coun 1976 qui, à elle seule vaut le détour…
Christelle aurait voulu
faire durer la conversation au restaurant, histoire de faire passer le temps
mais on leur fait comprendre sans aménité que c’est l’heure de la fermeture et
ils quittent l’établissement.
-
J’espère que tu vas lui compter ta note de
frais, à Daniel mais tu aurais pu monter d’un cran dans la qualité du restau, à
mon avis, déclare Albert une fois installé dans la voiture.
-
Sans commentaire, je n’avais pas le choix.
Ce qui me chagrine, c’est qu’il n’est même pas dix heures et je ne peux pas te
déposer avant minuit au château, répond Christelle.
-
Il va falloir trouver un endroit discret
pour se garer, tiens, entre par-là, c’est carrossable et on entre dans les
bois.
Christelle fait entrer la
voiture dans le bois et suit le chemin sur à peu près deux-cent mètres. Ils
arrivent dans une petite clairière.
-
Gare-toi là, dit Albert, et éteint les
phares. A franchement parler, depuis que je te connais je rêve de faire l’amour
dans ta topolino…
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C’est vrai, tu pensais ça au sujet de ma
Fiat 500 ?
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Sincèrement, je le pensais plus à ton
sujet qu’au sujet de la voiture…
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Tu plaisantes, j’espère ?
Pour lui montrer qu’il ne
plaisante pas, Albert se fait fort entreprenant. Christelle, pour sa part,
comprend que c’est probablement la meilleure manière d’occuper le temps et
c’est, à vrai dire, une merveille de voir avec quelles ressources et quelles
agilités ils réussissent à ne pas voir passer les heures et à découvrir qu’il
est une heure du matin sans coup férir.
Il n’est pas simple de se
rajuster dans une petite berline mais ils y arrivent et ils repartent vers le château.
Christelle dépose, après un vif bécot, son amant-fantôme, son sac et sa lampe
de poche. Albert se retrouve à trébucher dans le passage qui mène au parc.
*
(à suivre...)
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