Il est près de dix heures,
le lendemain, lorsqu’il se réveille. La seule fenêtre de la chambre, donnant
vers l’est, est plus petite que les fenêtres de la façade principale. Elle se
trouve dans un coin de la chambre et, en ouvrant les rideaux, Albert constate
que cette ouverture se trouve dans l’angle formé par une des tourelles et le
corps de logis. Un rapide tour dans le cabinet de toilette lui permet de
constater qu’il y a de l’eau chaude au robinet et il en profite pour passer
sous la douche. Ensuite, il descend à la cuisine pour examiner le frigo. Il
constate que tout est prévu pour l’accueillir, il se fait un café accompagné de
quelques tranches de pain industriel, confiture et fromage neutre style
hôpital.
Un rapide coup d’œil sur
le congélateur, il est équipé pour soutenir un siège. A savoir qui a approvisionné
tout cela car le Daniel n’est apparemment présent que par intermittence. Mais
tout ce qui intéresse Albert, c’est d’être assuré de manger. Et de boire aussi
mais il y a de la canette de bière et plusieurs bouteilles de vin, du rouge, du
rosé et du blanc. Au diable les économies, le proprio doit être bien dans ses
papiers.
Il décide de continuer l’exploration
de la maison. Elle lui semble plus lugubre de jour, d’une part les volets des
grandes pièces sont fermés et d’autre part le mobilier sombre et les
tapisseries défraîchies n’égayent pas l’ensemble. Comme il fait clair dehors,
il peut se permettre de s’éclairer avec sa lampe de poche. Il découvre, dans ce
qui lui a semblé être un office, un escalier de service qui, d’une part monte
vers l’étage et d’autre part descend vers une cave. A l’étage, il arrive dans
la lingerie. L’escalier continue et accède au grenier. Le grenier, comme tout
grenier qui se respecte, est encombré de vieux meubles, de cartons, de malles
et de vieux jouets abîmés. Il redescend jusqu’à la cave, une belle grande cave
divisée en trois parties. Il y déniche une jolie réserve de bonnes bouteilles
et des alignées de bocaux de conserves, des ferrailles et des bassines.
Apparemment, la cave communique avec deux petits caveaux fermés par des grilles
métalliques et qui sont certainement situés sous chaque pigeonnier. L’endroit
lui donne une impression désagréable et il remonte au rez-de-chaussée. Il commence
à trouver le temps long, il va faire un petit tour dans le bureau, non pour les
livres mais pour les multiples bibelots qui s’empoussièrent sur les étagères. L’ensemble
est vraiment hétéroclite, il y a de délicates camées, portraits étranges de
femmes frêles, des coquillages nacrés, des pièces métalliques de toutes sortes
dont un barillet de revolver, d’étranges tasses dépareillées, une main qui sort
d’un plâtre dont on ne sait si elle est vraie et momifiée ou si c’est un habile
montage, un couteau à deux lames, une poupée piquée d’aiguilles, de menaçants
masques africains, d’étranges pinces… Le tout posé sans ordre apparent mais
dans une confusion peut-être soigneusement arrangée. Albert n’ose toucher à
rien, une sorte de crainte superstitieuse l’en empêche.
Il revient à la cuisine,
décidé à voir ce qu’il va pouvoir manger. Il sort une brandade de morue
congelée, la fait passer au micro-ondes, coupe des tranches de saucisson et
ouvre un bocal d’olives. ¨Pour ne pas faire d’impair, il ouvre une bouteille de
Muscadet bien frais.
Il s’installe sans façon
à la table de la cuisine et médite sur ce qu’il vient de voir. Il avait lu un
livre parlant des géométries caniculaires de Rascanges, certains objets lui
faisaient penser aux choses décrites, d’étranges objets qui avaient pris leur
essor dans notre univers. Il pense aussi à ce livre de Foucault qui cite l’étonnante
taxinomie sur les animaux que Borges dit tenir d’ « une certaine
encyclopédie chinoise ». Il y a vraiment d’étranges choses dans cette
maison…
*
(à suivre...)
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