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dimanche 17 novembre 2019

Chronique de Serres et d’ailleurs V (11)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Inutile de se plaindre car tout ce qu’on risque de gagner en se plaignant, c’est de faire pire que mieux ». Ainsi parlait Sara Toussetra, buraliste et marchande de journaux, et, pour ne pas être en reste, je lui répondis que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. J’insistai sur le mot possible. A ce moment-là,  j’entendis derrière moi la voix grêle de monsieur Poupignon nasiller : « Quant à moi, je me dis tous les matins la phrase suivante : tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ». Je sentis que l’automne était bien là car le fait d’entendre citer, en moins de cinq minutes, à la fois Voltaire, Emile Coué et Sara Toussetra ne peut que présager la chute des feuilles.
A propos donc de chute des feuilles et d’automne, s’il est une cueillette fort attendue dans nos régions, c’est bien celle des champignons. Je citerai d’abord le cèpe, le compact et dodu cèpe, si populaire tant chez les cueilleurs que dans l’imaginaire enfantin. C’est ce fameux bolet qui accompagne les petits nains et dans lesquels sont censés loger les schtroumpfs. Le cèpe, tabouret des crapauds au chant si doux et mélancoliques et pain des petits écureuils. Mais il n’est, de loin pas le seul hôte comestible de nos bois et il a bien des rivaux sur les tables des connaisseurs. La girolle tient le haut du panier elle aussi, si j’ose dire. Elle illumine les sous-bois de sa belle couleur jaune et s’étale parfois en flaques mordorées. Non loin de celle-ci, le pied de mouton est en bonne place sur les tables gastronomiques. Gare à celui qui ne regarde pas à ses pieds car parfois il pourrait malencontreusement en écraser un, à moitié caché sous les feuilles d’automne.
Je ne ferai pas une liste exhaustive du patrimoine mycologico-gastronomique de nos forêts mais je ne peux pas en oublier certains tels que la glorieuse trompette de la mort, au nom si inquiétant mais au goût si subtil qui, dans les terrines, ose se comparer à l’orgueilleuse truffe. Et tard dans la saison, la chanterelle d’automne si élégante sur son pied ocré et qui se conserve à merveille lorsqu’on la fait sécher sur le poêle ou devant la cheminée.
Il y a aussi les lactaires, dont un répondant au qualificatif de délicieux et l’autre de sanguin qui vous colore les doigts de vermillon.
Et, pour ceux qui tremblent à l’idée de pénétrer dans la forêt, il y a les petits marasmes d’oréades, faux mousserons perchés sur leur jambe de fer. On les trouve dans les prairies, de préférence un peu rases où ils dessinent parfois ces ronds de sorcière. Malheur à qui oserait les ramasser par une nuit de sabbat !
Et je termine par le gentil rosé des prés qui lui aussi pose ses taches blanches dans l’herbe, petit champignon qui a tant été domestiqué sous l’appellation de champignon de Paris car il était cultivé en région parisienne dans d’anciennes carrières de plâtre. Il semblerait que maintenant sa culture se soit déplacée vers des régions où il y a plus d’élevages de chevaux, dont le fumier est nécessaire à cette culture. Mais ils ne valent point ceux qu’on a eu le plaisir de découvrir en se promenant.
On voit par-là que ce n’est pas la peine d’écraser le champignon si c’est pour choper une prune.

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