Auditrices et auditeurs
qui m’écoutez, bonjour. « Inutile de se plaindre car tout ce qu’on risque
de gagner en se plaignant, c’est de faire pire que mieux ». Ainsi parlait
Sara Toussetra, buraliste et marchande de journaux, et, pour ne pas être en
reste, je lui répondis que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes
possibles. J’insistai sur le mot possible. A ce moment-là, j’entendis derrière moi la voix grêle de
monsieur Poupignon nasiller : « Quant à moi, je me dis tous les
matins la phrase suivante : tous les jours, à tous
points de vue, je vais de mieux
en mieux ». Je sentis que l’automne était bien là car le fait d’entendre
citer, en moins de cinq minutes, à la fois Voltaire, Emile Coué et Sara
Toussetra ne peut que présager la chute des feuilles.
A propos donc de chute
des feuilles et d’automne, s’il est une cueillette fort attendue dans nos
régions, c’est bien celle des champignons. Je citerai d’abord le cèpe, le
compact et dodu cèpe, si populaire tant chez les cueilleurs que dans l’imaginaire
enfantin. C’est ce fameux bolet qui accompagne les petits nains et dans
lesquels sont censés loger les schtroumpfs. Le cèpe, tabouret des crapauds au
chant si doux et mélancoliques et pain des petits écureuils. Mais il n’est, de
loin pas le seul hôte comestible de nos bois et il a bien des rivaux sur les
tables des connaisseurs. La girolle tient le haut du panier elle aussi, si j’ose
dire. Elle illumine les sous-bois de sa belle couleur jaune et s’étale parfois
en flaques mordorées. Non loin de celle-ci, le pied de mouton est en bonne
place sur les tables gastronomiques. Gare à celui qui ne regarde pas à ses
pieds car parfois il pourrait malencontreusement en écraser un, à moitié caché
sous les feuilles d’automne.
Je ne ferai pas une liste
exhaustive du patrimoine mycologico-gastronomique de nos forêts mais je ne peux
pas en oublier certains tels que la glorieuse trompette de la mort, au nom si
inquiétant mais au goût si subtil qui, dans les terrines, ose se comparer à l’orgueilleuse
truffe. Et tard dans la saison, la chanterelle d’automne si élégante sur son
pied ocré et qui se conserve à merveille lorsqu’on la fait sécher sur le poêle ou
devant la cheminée.
Il y a aussi les
lactaires, dont un répondant au qualificatif de délicieux et l’autre de sanguin
qui vous colore les doigts de vermillon.
Et, pour ceux qui
tremblent à l’idée de pénétrer dans la forêt, il y a les petits marasmes d’oréades,
faux mousserons perchés sur leur jambe de fer. On les trouve dans les prairies,
de préférence un peu rases où ils dessinent parfois ces ronds de sorcière.
Malheur à qui oserait les ramasser par une nuit de sabbat !
Et je termine par le
gentil rosé des prés qui lui aussi pose ses taches blanches dans l’herbe, petit
champignon qui a tant été domestiqué sous l’appellation de champignon de Paris
car il était cultivé en région parisienne dans d’anciennes carrières de plâtre.
Il semblerait que maintenant sa culture se soit déplacée vers des régions où il
y a plus d’élevages de chevaux, dont le fumier est nécessaire à cette culture.
Mais ils ne valent point ceux qu’on a eu le plaisir de découvrir en se
promenant.
On voit par-là que ce n’est
pas la peine d’écraser le champignon si c’est pour choper une prune.
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