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jeudi 5 décembre 2019

Appelez-moi Fortunio (43)


Aidé par le Muscadet et la lecture de quelques journaux de la presse régionale qui traînaient sur la table, il est plus qu’à moitié assoupi lorsqu’il entend arriver une voiture. Il se lève rapidement et va guetter derrière les rideaux de l’entrée. C’est un véhicule orné de la croix de vie bleue des ambulances. Daniel en descend, récupère un gros sac de voyage et salue le chauffeur qui démarre aussitôt. Il monte tranquillement le perron, ouvre la porte d’entrée avec sa clé et entre comme s’il n’y avait personne. Albert, réfugié dans la cuisine, lui fait signe et, sans un mot, Daniel le rejoint et ferme la porte derrière lui.
-          Salut, Daniel ! Alors, on fait comment maintenant ? Dit Albert.
-          On boit un coup et puis on s’installe dans le bureau. Les volets sont fermés mais le haut est à clairevoie. On ne peut pas nous voir de l’extérieur et c’est la seule pièce qui ait des double vitrages, on ne peut pas nous entendre, répond Daniel.
-          Ah oui, le bureau… on dirait un cabinet de curiosités !
-          Tu es allé voir ? Tu as raison, c’est vraiment un cabinet de curiosités, comme tu le dis. Je te raconterai, si cela t’intéresse…
-          D’accord mais fais d’abord comme chez toi ! Que veux-tu boire ? Je t’ai laissé du Muscadet, il est au frigo.
-          Pas d’alcool, merci. J’ai vraiment perdu le goût de l’alcool en taule, moi c’est coca…
-          Normal, si t’es en tôle, le coca ça dérouille…
-          N’insiste pas, prend ce qu’il te plaît et allons-nous asseoir dans le bureau.
Estimant que son taux de vin blanc est suffisant, Albert se fait réchauffer un café à la campagnarde, dans un poêlon. Puis, ils s’installent dans les fauteuils du bureau.
-          On va devoir vivre tous les deux un peu cloîtrés, toi en tout cas, commence Daniel. Il ne faut pas qu’on te voie, d’après le docteur Setier. Elle est persuadée que je me fais posséder soit par cette maison, soit par quelqu’un qui y a intérêt. Ou qui veut se jouer de moi. Mais quand tu auras vu, tu comprendras que ce ne sont pas des hallucinations et qu’il est impossible que ce soit une mise en scène. Tu verras, cette maison, je ne sais pas si on peut dire qu’elle est hantée mais il s’y passe des choses…
-          J’entends bien mais tu n’es pas le premier à habiter ici, ton beau-père par exemple…
-          Pour moi, j’ai toujours dit mon père et pas beau-père. Oui, il habitait ici mais je me demande s’il ne se doutait pas de quelque chose mais qu’il n’en disait rien. Ça peut paraître bizarre de dire cela mais lui, c’était un rude, il en avait vu d’autres. Je vais te raconter ce que je sais sur cette maison.
Daniel boit un coup à même sa bouteille, se cale dans son fauteuil et commence en remontant aux origines. Le château date du XIXème mais il y avait une construction préexistante, une tour pratiquement ruinée et dont les fondations ont servi de base pour une gloriette dans le jardin. De l’histoire de cette tour, il ne sait pas grand-chose, peut-être était-ce une tour de vigie mais d’après les racontars elle se serait appelée la tour des Khazars. Ce qu’il en restait a donc été joliment arrangé mais il y a encore sous la gloriette une cave voûtée datant de cette tour.et il y aurait même des souterrains qui rejoindraient le village. Quant au château, il a été construit par un financier, un nommé Dépolat dit de Polat, qui avait fait fortune sous le Second Empire et qui se parfumait du titre de chevalier. Il aurait peu habité son château qui fut longtemps inhabité jusqu’à ce que son neveu en hérite. 
(à suivre...)

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