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Mon père a été, de son propre aveu, un
résistant de la dernière heure. Il n’en tirait pas gloire et n’aimait pas trop
en parler car, en réalité, cela va lui valoir des relations fructueuses dès la
libération. Il va redémarrer son entreprise mais, cette fois, il voit grand. Il
s’associe avec un certain Brento qui avait le sens du commerce et de l’entregent.
Les affaires démarrent très fort et les deux hommes se séparent au bout de deux
ans, Brento voulant monter à Paris. Mais, au dire de mon père, il lui a
vraiment mis le pied à l’étrier. L’entreprise de Virgile Rambaud – ex Virgilio
Rambolacci – a pignon sur rue et, lorsque quelqu’un lui parle du château, il
flaire la bonne affaire. Il est à vendre meublé, pour une croûte de pain. Pourquoi ?
Parce que Sammy et sa femme, sur la route du retour en France libérée, vont
dévaler un ravin en auto et se tuer tous les deux. C’est donc la famille
espagnole de l’épouse qui liquide la succession sans avoir aucune idée de la
valeur du bien. Toutefois, une croûte de pain, il faut l’avoir et mon père,
malgré son beau chiffre d’affaires, a beaucoup investi dans du matériel. Qu’importe,
il fonce et son banquier le suit car c’est un placement : le château vaut
peut-être dix fois le prix qu’il l’a payé. Il suffit d’attendre et de trouver
le pigeon. Mais ce n’est pas comme cela que mon père voit les choses, il veut
le garder. Ce qui veut dire qu’il faut faire tourner l’entreprise à fond pour
rembourser. Rambaud Construction prend de l’ampleur et devient une des belles
entreprises de la région. Mais, pris par son travail, mon père n’y habitera pas
pendant plusieurs années. Il a placé un couple qui s’occupe de l’entretien et
il y va une ou deux fois l’an. C’est aussi au début des années 50 qu’il
rencontre ma mère qui était, suivant l’expression de l’époque, fille-mère. Il l’a
épousée et il m’a adopté. Je n’ai jamais connu mon « géniteur » et c’est
lui que j’ai toujours considéré comme mon vrai père. Il s’est toujours comporté
comme tel et il a continué lorsqu’ils ont divorcé. J’étais aussi souvent chez
lui que chez ma mère. Et, pour lui, j’étais son seul fils alors que ma mère a
eu d’autres enfants après le divorce.
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Elle s’est remariée ?
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Non, elle a eu deux enfants avec un mec et
un de plus avec un autre gars, toujours à la colle.
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Mais, avec ton père, les choses se sont gâtées ?
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J’y viens, j’y viens ! C’est vrai que
c’est grâce à lui, ou plutôt à cause de lui que je me suis fait entôler. Mon
père avait toujours sa maison et ses bureaux à Montauban et il faisait
totalement confiance au couple qui s’occupait de la maison. Mais le mari est
tombé malade et ils ne pouvaient plus assurer l’entretien et surtout ils
voulaient se rapprocher d’une grande ville, enfin je m’entends, Montauban en l’occurrence.
Mon père leur a trouvé un logement et il était çà et là d’aller s’installer à
Soméjac quand s’est présenté un autre couple intéressé par le gardiennage. Et
il faut dire qu’ils ont bien pris le boulot en main car il y avait, bien sûr,
du retard dans l’entretien. Mon père était enchanté et il s’est mis à aller
plus souvent au château. Il faut dire qu’il approchait de la soixantaine, l’entreprise
pouvait tourner sans lui et il aspirait à une vie plus tranquille. Et puis, c’est
pas tout ! Le couple de jardiniers était fort empressé auprès de lui,
surtout elle, la quarantaine avenante. Et un mari prêt à fermer les yeux, si tu
vois ce que je veux dire…
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Je ne sais pas si je vois mais j’entends
bien en effet !
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Donc, il est venu s’installer tout à fait
à Soméjac, il a vendu la moitié de son entreprise et il a commencé une vie de
gentleman-farmer, en quelque sorte. Et moi, ma foi, je suis venu m’installer
auprès de lui car la vie de famille du côté de ma mère, disons que c’était pas
ça, je ne m’entendais pas toujours bien avec mes frères et sœur plus jeunes.
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Donc tu te sentais mieux là ?
(à suivre...)
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