Auditrices et auditeurs
qui m’écoutez, bonjour. Une fois n’étant pas coutume, je citerai aujourd’hui
une lettre ouverte signée par un certain nombre de paysans dont moi-même. Halte à la
dénonciation d'un pseudo-agribashing ! Oui à une agriculture de vie et
d'alliance avec les citoyens !
Nous, agriculteurs,
agricultrices, observons une atmosphère de crispation, d’incompréhension, entre
une partie du monde agricole et le reste de la société, principalement
focalisée sur l’utilisation des pesticides et sur l’élevage industriel.
Concernant les pesticides, leurs effets néfastes pour la santé humaine et
l'environnement sont prouvés par de nombreuses publications scientifiques,
tandis que le rejet de l'élevage industriel correspond à la dénonciation d'un
système de maltraitance animale à grande échelle qui ne permet pas aux éleveurs
et salariés concernés de s'épanouir ni de s'en sortir économiquement. Ces
pratiques portent atteinte à l'environnement ici et ailleurs comme le
montrent le problème des algues vertes en Bretagne, la dégradation de nos
ressources en eau, ou encore la déforestation générée par la
monoculture de soja OGM au Brésil. Les critiques de ces pratiques, légitimes,
sont qualifiées d'agribashing par la FNSEA, formule reprise par le ministre de
l'agriculture et le président de la république. Pourtant la remise en cause du
modèle agricole dominant n'est pas de l'agribashing ! Il ne s'agit pas de dire
que l'agriculture est mauvaise, maléfique, ou que les urbains n'aiment pas les
agriculteurs ! Il s'agit de critiquer un modèle agro-industriel qui entraîne
les agriculteurs et notre société dans le mur. Ce modèle endette dangereusement
les agriculteurs, continue de vider les campagnes de leurs paysans, pousse à un
gigantisme empêchant les jeunes de reprendre les fermes des retraités, pollue
les sols et les eaux, détruit la biodiversité. Cette agriculture basée sur
l’agro-chimie, la spécialisation à outrance des territoires et la
mondialisation, contribue au réchauffement climatique et est peu résiliente
face aux événements extrêmes qui se multiplient. Pourtant, l'agroécologie
paysanne, bio que nous pratiquons depuis de nombreuses années représente une
alternative crédible. Cette agriculture, qui lie agronomie et écologie, nous
permet de vivre avec dignité et de transmettre nos fermes, tout en
fournissant une alimentation saine à nos concitoyens. Nous montrons au
quotidien que ce type d’agriculture peut redynamiser les territoires, en créant
des emplois, du lien social, du paysage, de la biodiversité et de la résilience.
De plus en plus de paysans optent pour cette agriculture du futur, et nombreux
sont ceux qui souhaitent engager une transition que les politiques publiques,
du local jusqu'au niveau européen, avec la PAC, devraient beaucoup mieux
accompagner, car les moyens financiers existent.
Nous, paysannes et
paysans, actifs ou à la retraite, ne partageons pas la dénonciation d'un
pseudo-agribashing, opérée par certains acteurs à la solde de l’agro-industrie
bloquant la transition agro-écologique, détournant l’attention des vraies
questions au risque de creuser le fossé entre agriculteurs et citoyens et
d'attiser la violence. Nous affirmons qu’il est urgent de changer de modèle
agricole, de développer une politique alimentaire favorisant les productions
locales et biologiques, et d’abandonner l’utilisation des pesticides et l’élevage industriel.
Certains signataires sont des
responsables professionnels, syndicaux, voire politiques mais c'est avant tout
en qualité d'agriculteurs, paysans, qu'ils s'adressent ici à leur collègues et
à la société.
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