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Tu veux savoir quoi ?
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Tout, ou presque ! D’abord, ton père,
pourquoi t’a t’il adopté ?
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Il était vraiment amoureux de ma mère et
il n’avait pas eu d’enfants. Il était très fier de m’appeler « son
fils » ! Mais, je ne sais pas trop pourquoi, ma mère l’a quitté et
elle s’est mise en ménage avec un gonze, un vrai trouduc, qui lui a fait trois
gosses vite fait et qui s’est barré à Tataouine Pimpous.
-
D’accord. Et c’est ta mère qui t’a aidé à
sortir de taule ?
-
Pas de taule ! De l’hôpital, oui.
Mais il a fallu que je lui écrive trente-six fois avant de la faire bouger.
Bon, je peux comprendre et puis quand elle a commencé à remuer toute cette
boue, il faut reconnaître qu’elle n’a pas lâché le morceau. C’est quand même
suite à ses démarches que j’ai fini par revenir sur Villeneuve de Sciérac !
-
Oui, je vois. Et ton père, il vivait ici ?
-
Ici, si on peut dire ! Un an avant sa
mort, les enflures de jardiniers s’étaient installés dans la maison et ils avaient
relégué mon père dans la gloriette, une honte !
-
C’est comment cette gloriette ?
-
Sale, juste un évier, apparemment il avait
un seau pour ses besoins. C’est ma mère qui a su, elle est venu le voir quand
il y était, toujours rapport à moi. Heureusement, ce jour-là, le couple de maudits
était à Toulouse. Elle est revenue pour le voir quinze jours après et ces
salauds ont fait un esclandre et l’ont virée.
-
Et alors ?
-
Ma mère a vraiment pas aimé, elle avait
trop pitié de son ex-mari croupissant dans une pièce avec son seau, quelques
gamelles mal lavées et sans chauffage. Elle a contacté le maire de la commune
mais il a prétendu que mon vieux s’était installé de son plein gré dans la
gloriette. D’accord, a dit ma mère, elle ne s’est pas dégonflée et est allée à
la DDASS, les services sociaux. Là, je peux te dire que ça n’a pas traîné. Ils
ont débarqué et ils ont vu qu’il fallait tout de suite un toubib. Puis ambulance,
l’hôpital et le toutim. Il y a eu un article dans le journal. Le maire en
prenait pour son grade et il a fallu qu’il bouge. Il a conseillé aux deux
autres de quitter les lieux sans tambour ni trompette. Ce qu’ils ont fait. Mon
père n’a pas duré longtemps et j’ai eu la chance d’avoir une permission pour
aller le voir avant sa mort. Le peu qu’il a pu me parler, il m’a demandé de lui
pardonner pour s’être laissé embrigader par les autres…
-
Et alors ?
-
Bien sûr que je lui pardonne. Je lui en
avais fait voir et il avait eu peur que je fasse des conneries. Il a écouté les
autres en pensant me donner une bonne leçon. Il n’imaginait même pas que je
ferais un seul jour de taule ! Et puis une fois que j’y étais, il n’a plus
su quoi faire, avec les deux autres sur le paletot. Bon, en tout cas, il est
mort à l’hôpital et c’est à partir de là que le docteur Setier a pris les
choses en mains.
-
Donc, ce n’est pas ton père qui a mis la
note d’épicier dans le bouquin et c’est certainement un des jardiniers qui a lu
ce passage…
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Lui, ça m’étonnerait, c’est pas le genre à
lire autre chose qu’un journal de turf. Et encore… Mais elle, pourquoi pas ?
C’est une intrigante mais elle n’est pas idiote, que je sache. D’ailleurs je n’ai
jamais compris ce qu’elle foutait avec ce primate.
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Il paraît que les primates sont très bien
montés ! Mais peu importe, je tiens déjà un bout de la pelote si ça se
trouve. Bon, ensuite, parle-moi un peu de ce cabinet de curiosités.
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Encore une tasse de café ?
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Oh oui, il me faudra bien ça pour écouter.
(à suivre...)
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