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jeudi 6 février 2020

Appelez-moi Fortunio (52)


-          Tu veux savoir quoi ?
-          Tout, ou presque ! D’abord, ton père, pourquoi t’a t’il adopté ?
-          Il était vraiment amoureux de ma mère et il n’avait pas eu d’enfants. Il était très fier de m’appeler « son fils » ! Mais, je ne sais pas trop pourquoi, ma mère l’a quitté et elle s’est mise en ménage avec un gonze, un vrai trouduc, qui lui a fait trois gosses vite fait et qui s’est barré à Tataouine Pimpous.
-          D’accord. Et c’est ta mère qui t’a aidé à sortir de taule ?
-          Pas de taule ! De l’hôpital, oui. Mais il a fallu que je lui écrive trente-six fois avant de la faire bouger. Bon, je peux comprendre et puis quand elle a commencé à remuer toute cette boue, il faut reconnaître qu’elle n’a pas lâché le morceau. C’est quand même suite à ses démarches que j’ai fini par revenir sur Villeneuve de Sciérac !
-          Oui, je vois. Et ton père, il vivait ici ?
-          Ici, si on peut dire ! Un an avant sa mort, les enflures de jardiniers s’étaient installés dans la maison et ils avaient relégué mon père dans la gloriette, une honte !
-          C’est comment cette gloriette ?
-          Sale, juste un évier, apparemment il avait un seau pour ses besoins. C’est ma mère qui a su, elle est venu le voir quand il y était, toujours rapport à moi. Heureusement, ce jour-là, le couple de maudits était à Toulouse. Elle est revenue pour le voir quinze jours après et ces salauds ont fait un esclandre et l’ont virée.
-          Et alors ?
-          Ma mère a vraiment pas aimé, elle avait trop pitié de son ex-mari croupissant dans une pièce avec son seau, quelques gamelles mal lavées et sans chauffage. Elle a contacté le maire de la commune mais il a prétendu que mon vieux s’était installé de son plein gré dans la gloriette. D’accord, a dit ma mère, elle ne s’est pas dégonflée et est allée à la DDASS, les services sociaux. Là, je peux te dire que ça n’a pas traîné. Ils ont débarqué et ils ont vu qu’il fallait tout de suite un toubib. Puis ambulance, l’hôpital et le toutim. Il y a eu un article dans le journal. Le maire en prenait pour son grade et il a fallu qu’il bouge. Il a conseillé aux deux autres de quitter les lieux sans tambour ni trompette. Ce qu’ils ont fait. Mon père n’a pas duré longtemps et j’ai eu la chance d’avoir une permission pour aller le voir avant sa mort. Le peu qu’il a pu me parler, il m’a demandé de lui pardonner pour s’être laissé embrigader par les autres…
-          Et alors ?
-          Bien sûr que je lui pardonne. Je lui en avais fait voir et il avait eu peur que je fasse des conneries. Il a écouté les autres en pensant me donner une bonne leçon. Il n’imaginait même pas que je ferais un seul jour de taule ! Et puis une fois que j’y étais, il n’a plus su quoi faire, avec les deux autres sur le paletot. Bon, en tout cas, il est mort à l’hôpital et c’est à partir de là que le docteur Setier a pris les choses en mains.
-          Donc, ce n’est pas ton père qui a mis la note d’épicier dans le bouquin et c’est certainement un des jardiniers qui a lu ce passage…
-          Lui, ça m’étonnerait, c’est pas le genre à lire autre chose qu’un journal de turf. Et encore… Mais elle, pourquoi pas ? C’est une intrigante mais elle n’est pas idiote, que je sache. D’ailleurs je n’ai jamais compris ce qu’elle foutait avec ce primate.
-          Il paraît que les primates sont très bien montés ! Mais peu importe, je tiens déjà un bout de la pelote si ça se trouve. Bon, ensuite, parle-moi un peu de ce cabinet de curiosités.
-          Encore une tasse de café ?
-          Oh oui, il me faudra bien ça pour écouter.
(à suivre...)

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