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jeudi 25 juin 2020

Appelez-moi Fortunio (72)


IV. La nuit de la Saint-Jean

Quand il parlait de faire une entrée triomphale à Soméjac, René ne croyait pas si bien dire. Non seulement on est dimanche matin mais encore il y a fête au village Autant dire que ces deux gonziers déferlant dans la grand-rue ne passent pas inaperçus. Enivré par son triomphe, René y va de quelques zigzags qui mettent en joie la population locale. Les villageois reconnaissent la mobylette de Daniel et comme ils semblent intrigués, Albert salue quelques personnes, après l’arrêt du moteur.
-          Mesdames, messieurs, bonjour, dit-il. Il y a bien de l’animation chez vous et cela sent bien bon !
-          Oh, c’est qu’on prépare le méchoui pour ce soir, dit un personnage rubicond. Mais, dites-moi, monsieur, on dirait la mobylette à Dany Rambaud…
-          Très juste, cher monsieur, répond René, et voilà t’y pas qu’il m’a embauché comme pilote d’essai. Je fais donc une tentative de record du monde avec mon ange gardien sur le porte-bagage.
-          Eh bé, il lui manquait plus que ça, à Dany. Il va venir à la fête du village, alors ?
-          Non pas, monsieur, il est absent et ne reviendra que demain. Nous étions chargés de libérer le château avant son installation définitive, répond Albert, nous sommes l’entreprise Ghostbuster, décapages en tous genres.
-          Gobusteur, c’est quoi comme nom, ça ? C’est pas bien français…
-          En effet, je viens de Marmande, je suis né dans une serre entre deux tomates…
-          Oh, je vois que vous aimez vous amuser, vous autres ! Vous venez à la fête, alors ? Ce midi, apéritif offert par la municipalité puis, pour ceux qui veulent, petit repas poule au pot. Cet après-midi, concours de pétanque, jeux divers, casse-bouteilles et autres. Ce soir, méchoui avec avant hors d’œuvres, entrée, fayots, salade, fromage et dessert. Café, Armagnac ou gnôle puis bal champêtre ! Vous n’allez pas rater ça, tout de même ? Douze francs à midi, vin et café compris, trente francs le soir, musique et pince-fesses gratuits ! A vot’bon cœur !
-          Alors, voilà qui est vraiment tentant, déclare René. Mais, nous avons à faire avant, je cherche une pompe avec du deux-temps, je vais trouver ça ici ?
-          Allez voir à la quincaillerie et si jamais, on peut demander à Jeannot, il trimballe toujours sa tronçonneuse dans sa 2 CV, il vous dépannerait…
-          Merci monsieur pour tous ces renseignements. Alors, mon bon Fortunio, on s’inscrit pour le repas ?
-          Oh oui, même et –pourquoi pas ?- pour midi et pour le soir, on va pas se refuser un petit bal, non ? On peut s’inscrire où, monsieur ?
-          Eh bé, ici, c’est moi le président du comité des fêtes ! Donc deux fois deux repas ?
-          Oui, oui, répond Albert. Je vous paie maintenant ?
-          Oh, monsieur, vous savez ce qu’on dit qu’on a toujours tout le temps pour payer et pour mourir ! C’est pas la ville, ici, on fait confiance. Mais c’est noté !
-          D’accord, on fait le plein, on fait un saut à Meauzié et on revient se jeter un Pastis derrière la cravate, dit René en pédalant pour démarrer.
-          Adissiatz, les jeunes, crie le rougeaud.
Nos deux motards redémarrent sur la grand-rue, direction la quincaillerie où ils trouvent de quoi abreuver leur bourrin. Puis ils partent en direction de Meauzié, cela à l’époustouflante vitesse de 20 km/heures en descente avec le vent dans le dos.
(à suivre...)

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