Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. L’été est là et d’aucuns se demandent ce qu’ils
vont lire pendant les moments de farniente qu’ils pourront arracher à leur
labeur. Alors, je vais y aller de mon conseil pour une lecture d’été. Je
propose une bande dessinée qui s’appelle « Pas de pitié pour les
indiens », écrite et dessinée par Nicolas Dumontheuil et publiée en 2020
chez Futuropolis. Si je parle de cette bédé, c’est parce que l’histoire est
située à Beaumont en Quercy mais c’est en réalité de Beauville qu’il s’agit.
Donc en Pays de Serres. Et si je vous dis cela, c’est parce que l’action se
déroule en 1976 lorsque l’auteur avait 8 ans. Il était le fils des instit’s de
l’école du village. Or, ce village était le chef-lieu d’un canton où j’ai
habité plus de 50 ans. J’ai reconnu un certain nombre de protagonistes même si
je n’étais qu’un paysan perdu avec ses vaches au fond des pétruques, à 5
kilomètres du chef-lieu, paysan qui ne pouvait se targuer ni d’être parent
d’élève ou notable ou babacool, hippie estampillé
Le
scénario est découpé en treize histoires qui s’enchaînent les unes aux autres
et dont les héros sont Jules, Titi et Jean, le narrateur. Leurs aventures ne
sont pas piquées des vers, je ne les raconterai pas toutes mais la dernière a
le grand mérite de rappeler une belle histoire, celle de trois indiens sioux,
une femme et deux hommes, qui, en 1736, avaient été ramenés en bateau pour être
présentés au roi à Versailles. Le roi Louis XV avait été fort aise de zieuter
ces indigènes mais une fois la cour lassée d’eux, ils furent virés du palais
sans plus de cérémonie. Livrés à eux-mêmes dans Paris, ils vivaient de tours et
de mendicité, comme des saltimbanques. En fin de compte, ils quittèrent la
ville et partirent vers le sud, travaillant comme saisonniers et finirent par
arriver à ce bourg, Beaumont/Beauville, à l’époque 1 200 habitants, où
l’on s’émut de leur histoire. La population du village décida de se cotiser
pour payer le voyage de retour des sioux. Ils mirent un an pour réunir la somme
et, cela laissa le temps à un jeune villageois de s’éprendre de la belle et
mystérieuse indienne qui toutefois était déjà fiancée et promise à un guerrier
de sa tribu. Toute union était impossible et les trois indiens repartirent chez
eux. Mais l’amoureux ne pouvait oublier sa belle indienne et il s’embarqua plus
tard pour l’Amérique où il put retrouver la tribu et la femme qui, désormais,
était libre car son guerrier de mari avait été tué. Ils purent donc se marier
et le villageois vécut dans la tribu jusqu’à sa mort. C’est en 1973 que « La
demoiselle rouge » du village découvrit la trace de cette histoire dans les
archives de la mairie. Des contacts ont été pris de l’autre côté de
l’Atlantique, des jumelages ont été décidés puis, à l’été 1976 un bus entier
d’indiens débarqua à Beaumont, dans la joie et pour la fête.
Toutes
les histoires de ce livre sont amusantes mais l’une ou l’autre sont poignantes
comme lorsque le gamin Jules voit partir sa mère en ambulance pour l’hôpital
psychiatrique. On avait déjà retrouvé la figure haute en couleurs du curé, son
oncle, personnage quasiment historique du village, fort en gueule autant
redouté qu’espéré dans toutes ses manifestations, le dessinateur le caricature
avec justesse jusqu’à cette image qui exprime toute la détresse de l’enfant et
de l’adulte, l’oncle et le neveu.
J’aime
beaucoup le dessin, clair, expressif et plein de références. Ce qui m’a frappé,
ce sont les yeux des personnages qui dépeignent chez les enfants une
incrédulité face au monde et aux évènements. J’apprécie aussi la lisibilité du
texte, bien construit, bien articulé.
Alors,
juste une observation amusante : on nous parle de babas qui habitent un
tipi à quelques kilomètres de Beaumont et qui n’auraient, parait-il, pas eu de
télévision. Peut-être n’en avaient-ils pas en 1976 mais à cette époque, à mon
étonnement de voir en passant le tipi équipé d’une antenne, on m’apprit qu’ils
s’étaient équipés en urgence pour suivre une coupe du monde de football. Le
foot aiderait-il à se désaccoutumer des paradis artificiels… ?
Merci
Nicolas Dumontheuil de m’avoir fait vivre, le temps d’une bande dessinée de 90
pages, un village et une époque où moi aussi j’ai traîné mes guêtres.
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