En vedette !

dimanche 21 juin 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (40)

Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. L’été est là et d’aucuns se demandent ce qu’ils vont lire pendant les moments de farniente qu’ils pourront arracher à leur labeur. Alors, je vais y aller de mon conseil pour une lecture d’été. Je propose une bande dessinée qui s’appelle « Pas de pitié pour les indiens », écrite et dessinée par Nicolas Dumontheuil et publiée en 2020 chez Futuropolis. Si je parle de cette bédé, c’est parce que l’histoire est située à Beaumont en Quercy mais c’est en réalité de Beauville qu’il s’agit. Donc en Pays de Serres. Et si je vous dis cela, c’est parce que l’action se déroule en 1976 lorsque l’auteur avait 8 ans. Il était le fils des instit’s de l’école du village. Or, ce village était le chef-lieu d’un canton où j’ai habité plus de 50 ans. J’ai reconnu un certain nombre de protagonistes même si je n’étais qu’un paysan perdu avec ses vaches au fond des pétruques, à 5 kilomètres du chef-lieu, paysan qui ne pouvait se targuer ni d’être parent d’élève ou notable ou babacool, hippie estampillé
Le scénario est découpé en treize histoires qui s’enchaînent les unes aux autres et dont les héros sont Jules, Titi et Jean, le narrateur. Leurs aventures ne sont pas piquées des vers, je ne les raconterai pas toutes mais la dernière a le grand mérite de rappeler une belle histoire, celle de trois indiens sioux, une femme et deux hommes, qui, en 1736, avaient été ramenés en bateau pour être présentés au roi à Versailles. Le roi Louis XV avait été fort aise de zieuter ces indigènes mais une fois la cour lassée d’eux, ils furent virés du palais sans plus de cérémonie. Livrés à eux-mêmes dans Paris, ils vivaient de tours et de mendicité, comme des saltimbanques. En fin de compte, ils quittèrent la ville et partirent vers le sud, travaillant comme saisonniers et finirent par arriver à ce bourg, Beaumont/Beauville, à l’époque 1 200 habitants, où l’on s’émut de leur histoire. La population du village décida de se cotiser pour payer le voyage de retour des sioux. Ils mirent un an pour réunir la somme et, cela laissa le temps à un jeune villageois de s’éprendre de la belle et mystérieuse indienne qui toutefois était déjà fiancée et promise à un guerrier de sa tribu. Toute union était impossible et les trois indiens repartirent chez eux. Mais l’amoureux ne pouvait oublier sa belle indienne et il s’embarqua plus tard pour l’Amérique où il put retrouver la tribu et la femme qui, désormais, était libre car son guerrier de mari avait été tué. Ils purent donc se marier et le villageois vécut dans la tribu jusqu’à sa mort. C’est en 1973 que « La demoiselle rouge » du village découvrit la trace de cette histoire dans les archives de la mairie. Des contacts ont été pris de l’autre côté de l’Atlantique, des jumelages ont été décidés puis, à l’été 1976 un bus entier d’indiens débarqua à Beaumont, dans la joie et pour la fête.
Toutes les histoires de ce livre sont amusantes mais l’une ou l’autre sont poignantes comme lorsque le gamin Jules voit partir sa mère en ambulance pour l’hôpital psychiatrique. On avait déjà retrouvé la figure haute en couleurs du curé, son oncle, personnage quasiment historique du village, fort en gueule autant redouté qu’espéré dans toutes ses manifestations, le dessinateur le caricature avec justesse jusqu’à cette image qui exprime toute la détresse de l’enfant et de l’adulte, l’oncle et le neveu.
J’aime beaucoup le dessin, clair, expressif et plein de références. Ce qui m’a frappé, ce sont les yeux des personnages qui dépeignent chez les enfants une incrédulité face au monde et aux évènements. J’apprécie aussi la lisibilité du texte, bien construit, bien articulé.

Alors, juste une observation amusante : on nous parle de babas qui habitent un tipi à quelques kilomètres de Beaumont et qui n’auraient, parait-il, pas eu de télévision. Peut-être n’en avaient-ils pas en 1976 mais à cette époque, à mon étonnement de voir en passant le tipi équipé d’une antenne, on m’apprit qu’ils s’étaient équipés en urgence pour suivre une coupe du monde de football. Le foot aiderait-il à se désaccoutumer des paradis artificiels… ?

Merci Nicolas Dumontheuil de m’avoir fait vivre, le temps d’une bande dessinée de 90 pages, un village et une époque où moi aussi j’ai traîné mes guêtres.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire