Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Le temps de la pause d’été arrive à grands
pas pour le chroniqueur et je ne veux pas terminer la saison sans avoir parlé
d’un des auteurs qui me tient le plus à cœur dans ma liste d’auteurs de la
région. Il s’agit de Thierry Metz, j’ai évoqué son nom il y a quelques semaines
lorsque j’ai parlé de Jean Cussat-Blanc. Thierry Metz, né à Paris en 1956,
s’installe à 21 ans avec sa famille à Saint Romain-le-Noble, près d’Agen.
Autodidacte en tout, il travaille comme manœuvre, maçon, ouvrier agricole. Mais
il a en lui un grand œuvre, c’est sa plume. Il écrit des proses et des poèmes
et connaîtra le succès avec un livre qui sera publié chez Gallimard
(L’arpenteur) « Le journal d’un manœuvre ». Ce livre est un trésor,
tant par son écriture, concise mais généreuse, que par sa description des jours
qui se suivent et sont si semblables dans leur diversité. Un trait de plume, un
court paragraphe et voilà la réalité essentielle qui est distillée. Jamais on
ne trouve une image en creux, le tableau est en positif et la brièveté des
propos donne du plein aux pensées. Par exemple, le 20 juillet,: « On
a peu parlé aujourd’hui tous les deux : servir cinq maçons qui bâtissent,
ça fait beaucoup de bétonnières, beaucoup de mortier à préparer. Et faire
manger les brouettes, remplir les gamates, approcher les parpaings, aider
celui-ci à monter son échafaudage : on aurait du mal à trouver un petit
espace où nos mains n’aient rien fait. » Ce journal raconte le travail,
les hommes, les heures mais l’auteur parle aussi du samedi, du dimanche, où le
manœuvre vit encore, ne serait-ce que dans ses bras fatigués et son dos lassé,
mais si proche du rouge-gorge dans la haie.
Il
y a certainement plusieurs manières de lire ce journal. La mienne est,
littéralement, brute de décoffrage. Pour l’ancien manœuvre et ancien maçon que
je suis, la réalité est à portée de main, la pioche, la pelle, les gravats, les
pierres. Quand il dit : « La levée des pierres se fait avec les mains
mais l’assemblage avec le souffle. » toute la réalité est là car avec du métier
on s’empare de la pierre, on la lève, les mains sont en plein travail puis, au
moment de la poser, on retient le souffle, l’œil ajuste l’aplomb et, sans faire
bouger le cordeau, la pierre se pose à sa juste place.
Et
puis il y a les hommes. Le chef, avec son chapeau de paille trop petit, italien
dur d’accent, dur de caractère : « Il parle peu mais toujours du
travail. D’une coulée de gestes qu’il dirige vers nous par le plus court
chemin. Discuter l’énerve, le déconcentre. –Tu connais le travail ? Alors,
si tu connais le travail : tu le fais. Pourquoi me raconter des
histoires ? Tu dis que tu es maçon ? Et tu me fais un travail qui
n’est pas de niveau ! Autant appeler un passant dans la rue… » Puis,
il y a le conducteur du tractopelle qui, lui, fait ce travail en attendant, il
ne l’aime pas ce boulot, il faut vivre mais il est charpentier de métier.
Ensuite, au fil de l’évolution du chantier, d’autres qui viennent épauler,
bâtir, bétonner. Un jour, il écrit : « Un homme, une caisse à outils,
Antoine est arrivé ce matin. » Tout est là, l’homme, ses mains, ses
outils.
Le
chantier avance, on voit passer un architecte, des passants. Et un jour :
« On aura fini dans les temps. Voilà. C’est tout ce qu’on peut dire.
Ici. » Arrive la conclusion : « 20 novembre. – Le gros œuvre est
terminé. On n’a plus qu’à ranger les outils dans la baraque et partir. Demain
on commence autre chose. »
Avec
cette économie de mots, Thierry Metz trouve à chaque fois l’essentiel, cette
substance avec laquelle il met au jour la poésie du quotidien. Il savoure la
sapidité d’un quotidien de bras, de muscles et d’efforts en l’égrenant, à
chaque date suffit son poème.
Je
reparlerai de Thierry Metz une autre fois, avec un autre de ses ouvrages. Pour
ceux que cela intéresse, un écrivain et acteur, Lionel Mazari, a enregistré de
très beaux textes de Thierry Metz. Allez-le voir sur le YouTube.
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