Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Voici le temps de la pause estivale, tout
au moins pour le chroniqueur, et avant de me mettre en sommeil, je vais vous
citer un mot qui aurait pu être mis à l’honneur en ces temps de folie virale.
Il s’agit du mot « ultracrépidarianisme ». Je ne sais pas si ce mot
de 19 lettres trouve grâce aux yeux de nos négociants en dictionnaire mais il
aurait été utilisé pour la première fois au début du XIXème siècle par
l’essayiste William Hazlitt qui eut l’heureuse idée, quoiqu’étant anglophone,
de lui donner une ascendance latine qui lui permet aisément d’être naturalisé
en français sans avoir l’air d’être une de ces expressions chéries des
enmarchistes telles que cluster ou startup.
L’étymologie
du mot ferait appel à l’expression latine « sutor, ne supra
crepidam » ce qui voudrait dire « cordonnier, pas plus haut que
la chaussure ». Pour faire court, ce dicton appelle chacun à rester dans
son champ de compétence, nous dirions en français à chacun son métier et les
vaches seront bien gardées.
Voilà
donc un mot qui tombe à pic en ces temps où bien des gens ont bien des choses à
dire sur bien des sujets et moins ils sont compétents, plus ils en ont à dire.
Bien sûr, on ne peut guère en vouloir au quidam de niveau 1, soit le français
d’entrée de gamme intellectuelle, d’avoir son avis et même il est heureux, pour
lui tout au moins, qu’il en ait un. Mais qu’il ait l’immodestie de le proclamer
sur tous les toits et sur tous les murs des réseaux sociaux, cela est nettement
plus regrettable. D’autant plus que son opinion découle bien souvent de la
fosse à purin que sont les chaines d’information dominantes. Mais, à propos de
ces chaînes dites d’information, ce qui devient incontournable dans ce fleuve
d’effluents, c’est de présenter des soi-disant experts qui viennent nous
présenter leurs arguments d’autorité soit pour soutenir le gouvernement et le
pouvoir militaro-médico-financiaro-industriel, soit pour démolir ceux qui
auraient le front de démonter les argumentaires spécieux de ce dernier. On
constate que, bien souvent, les experts sont surtout compétents pour se faire
accorder des prébendes et des cadeaux de la part des grossiums et, d’autre
part, on a vu il y a peu un gonzier prétendument expert en tueurs en série,
coqueluche des plateaux télévisuels, dont le curriculum vitae s’est dégonflé
comme une baudruche. Mais je sais depuis bien longtemps qu’un expert peut vous
affirmer que noir c’est blanc et que blanc c’est noir sans en démordre le moins
du monde. Parole d’expert !
Mais
pour revenir à notre mot, il s’appliquerait plus particulièrement à des
personnages qui, dans un certain domaine, ont une compétence crédible et
démontrée et qui, par extension, se croient autorisés à user, sinon abuser, de
leur notoriété pour donner leur avis sur des domaines divers et variés en
dehors de leur champ de compétences. En fait, ils jouent de leur renom pour
jouer les experts là où ils n’ont guère plus de connaissances que le quidam de
base.
Donc,
on comprend que la révolution ultracrepidarienne est en route – sinon en marche
– et nous voyons, de droite, de gauche et du centre, surgir des monstres à
l’omniscience autoproclamée, des polyathlètes neuronaux et des décathloniens de
la pensée. Et cette émergence nous advient non seulement comme la cerise sur le
gâteau mais encore comme le clafoutis lui-même car notre gouvernement actuel ne
peut plus se passer de comités d’experts, qu’ils soient médicaux ou
économiques, experts toujours prêts à ramasser quelques bénéfices et à
plastronner devant les caméras.
Je
m’arrêterai là, pour ne pas faire quelque crise de cet ultramachinchose et je
vais vous souhaiter un été agréable, productif avec de la pluie et du beau
temps, de l’amour, de l’amitié et des réjouissances intellectuelles. On se
revoit en septembre si Dieu et le directeur de CoolDirect me prêtent vie.
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