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dimanche 28 juin 2020

Chronique de Serres et d’ailleurs V (41)

Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Voici le temps de la pause estivale, tout au moins pour le chroniqueur, et avant de me mettre en sommeil, je vais vous citer un mot qui aurait pu être mis à l’honneur en ces temps de folie virale. Il s’agit du mot « ultracrépidarianisme ». Je ne sais pas si ce mot de 19 lettres trouve grâce aux yeux de nos négociants en dictionnaire mais il aurait été utilisé pour la première fois au début du XIXème siècle par l’essayiste William Hazlitt qui eut l’heureuse idée, quoiqu’étant anglophone, de lui donner une ascendance latine qui lui permet aisément d’être naturalisé en français sans avoir l’air d’être une de ces expressions chéries des enmarchistes telles que cluster ou startup.

L’étymologie du mot ferait appel à l’expression latine « sutor, ne supra crepidam » ce qui voudrait dire « cordonnier, pas plus haut que la chaussure ». Pour faire court, ce dicton appelle chacun à rester dans son champ de compétence, nous dirions en français à chacun son métier et les vaches seront bien gardées.

Voilà donc un mot qui tombe à pic en ces temps où bien des gens ont bien des choses à dire sur bien des sujets et moins ils sont compétents, plus ils en ont à dire. Bien sûr, on ne peut guère en vouloir au quidam de niveau 1, soit le français d’entrée de gamme intellectuelle, d’avoir son avis et même il est heureux, pour lui tout au moins, qu’il en ait un. Mais qu’il ait l’immodestie de le proclamer sur tous les toits et sur tous les murs des réseaux sociaux, cela est nettement plus regrettable. D’autant plus que son opinion découle bien souvent de la fosse à purin que sont les chaines d’information dominantes. Mais, à propos de ces chaînes dites d’information, ce qui devient incontournable dans ce fleuve d’effluents, c’est de présenter des soi-disant experts qui viennent nous présenter leurs arguments d’autorité soit pour soutenir le gouvernement et le pouvoir militaro-médico-financiaro-industriel, soit pour démolir ceux qui auraient le front de démonter les argumentaires spécieux de ce dernier. On constate que, bien souvent, les experts sont surtout compétents pour se faire accorder des prébendes et des cadeaux de la part des grossiums et, d’autre part, on a vu il y a peu un gonzier prétendument expert en tueurs en série, coqueluche des plateaux télévisuels, dont le curriculum vitae s’est dégonflé comme une baudruche. Mais je sais depuis bien longtemps qu’un expert peut vous affirmer que noir c’est blanc et que blanc c’est noir sans en démordre le moins du monde. Parole d’expert !
Mais pour revenir à notre mot, il s’appliquerait plus particulièrement à des personnages qui, dans un certain domaine, ont une compétence crédible et démontrée et qui, par extension, se croient autorisés à user, sinon abuser, de leur notoriété pour donner leur avis sur des domaines divers et variés en dehors de leur champ de compétences. En fait, ils jouent de leur renom pour jouer les experts là où ils n’ont guère plus de connaissances que le quidam de base.

Donc, on comprend que la révolution ultracrepidarienne est en route – sinon en marche – et nous voyons, de droite, de gauche et du centre, surgir des monstres à l’omniscience autoproclamée, des polyathlètes neuronaux et des décathloniens de la pensée. Et cette émergence nous advient non seulement comme la cerise sur le gâteau mais encore comme le clafoutis lui-même car notre gouvernement actuel ne peut plus se passer de comités d’experts, qu’ils soient médicaux ou économiques, experts toujours prêts à ramasser quelques bénéfices et à plastronner devant les caméras.

Je m’arrêterai là, pour ne pas faire quelque crise de cet ultramachinchose et je vais vous souhaiter un été agréable, productif avec de la pluie et du beau temps, de l’amour, de l’amitié et des réjouissances intellectuelles. On se revoit en septembre si Dieu et le directeur de CoolDirect me prêtent vie.

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