La vaillante fourgonnette
se trouve toujours derrière l’église mais Albert a un peu de mal à la dégager
car c’est l’heure de la messe. Il propose bien à René de la charger à l’arrière
mais, cette fois, René a envie de voir l’effet que ça fait de rouler seul sur
ces gentilles routes de campagne. Albert arrive le premier et visite les préparatifs
de la fête en attendant son coéquipier. Ce dernier fait à nouveau sensation en
arrivant avec un freinage avec dérapage quelque peu contrôlé devant un petit
groupe qu’il semble connaître.
-
René ! Qu’est-ce tu fous ici, lui
crie un malabar en lui filant une bourrade.
-
Dédé, et toi ? Moi ch’suis comme chez
moi, ici ! Répond René.
Il s’ensuit toute une
palabre de retrouvaille avec deux couples qui semblent en effet bien connaître
René.
-
Permettez-moi de vous présenter mon ami
Fortunio, dit-il. Je suis, pour l’heure son sous-traitant mais c’est tout ce
que je peux vous dire.
-
Et tu roules en mob’, comme ça maintenant ?
Dit le malabar en serrant vigoureusement la louche au dit Fortunio.
-
Véhicule de fonction, mon cher…, répond
René.
Albert salue les amis de
René, deux couples des environs. Il récupère la mobylette et va l’attacher à
l’attelage de sa fourgonnette. Cela fait, il est interpellé par un homme, la
soixantaine, râblé, souriant, qui lui demande si c’est bien la mobylette de
Daniel Rambaud.
-
Oui, en effet, c’est bien la sienne, il me
l’a prêtée en son absence…
-
Vous êtes un ami à lui ?
-
On n’est pas vraiment des amis, je suis
venu garder sa maison en son absence. Mais il devrait revenir demain. Vous
vouliez le voir ?
-
Non, pas forcément. Vous savez, je ne le connais
pas très bien, j’avais rencontré son père adoptif deux ou trois fois mais nous
n’avions pas vraiment sympathisé. C’est dommage mais c’est comme ça. Parce que
le château, je le connaissais moi, vous savez, je l’ai connu bien avant
Rambaud, j’avais quatorze ans…
-
Vous habitiez le château ?
-
Je m’entends, j’étais entré comme
domestique, j’avais quatorze ans. Mes parents m’avaient placé au château parce
qu’on était cinq enfants et que ça faisait beaucoup à nourrir. Le frère ainé
restait à la ferme, puis j’avais une sœur ensuite moi et mon frère jumeau et
encore une sœur. Mon jumeau avait le don pour faire plus d’études et une fois
que j’étais placé, cela faisait une bouche de moins à nourrir et un peu d’argent
qui rentrait aux parents. On était des métayers du château, à l’époque ils
avaient grand de terres avec des métairies tout autour. Tout ça a été vendu,
une ferme par monsieur Sammy…
-
Vous parlez de monsieur De Polat ?
-
Oui, tout le monde disait « monsieur
Sammy » mais il s’appelait comme ça, en effet. Vous en aviez entendu
parler ?
-
Tout juste un peu, c’est Daniel qui m’en a
parlé.
-
Je ne crois pas qu’il sache grand-chose sur
lui, déjà Rambaud lui-même ne savait presque rien et, comme je vous l’ai dit,
je l’ai rencontré trois fois, je crois. Une première fois, c’est lui qui m’avait
demandé de venir, à la fin des années cinquante, pour parler du château car il
avait appris que j’y avais passé quelques années. Cette première fois, quand je
suis arrivé, il m’a dit qu’il avait un imprévu et qu’il devait repartir sur
Montauban. Puis je suis allé le voir deux ou trois ans plus tard et là, pareil,
il n’avait pas le temps et il m’a demandé de revenir au mois d’août, il aurait
du temps. Je suis revenu, on a parlé un peu mais j’ai pas senti que ça l’intéressait,
il voulait juste savoir qui avait rassemblé tous ces objets bizarres dans le
bureau. Je lui ai dit que monsieur Sammy était antiquaire et que je l’avais
bien connu. Il m’a offert un café, il y avait ses jardiniers qui étaient là,
ils ont parlé de choses et d’autres et je suis parti sans plus. Et je n’y suis
jamais revenu.
(à suivre...)
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