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jeudi 2 juillet 2020

Appelez-moi Fortunio (73)


La vaillante fourgonnette se trouve toujours derrière l’église mais Albert a un peu de mal à la dégager car c’est l’heure de la messe. Il propose bien à René de la charger à l’arrière mais, cette fois, René a envie de voir l’effet que ça fait de rouler seul sur ces gentilles routes de campagne. Albert arrive le premier et visite les préparatifs de la fête en attendant son coéquipier. Ce dernier fait à nouveau sensation en arrivant avec un freinage avec dérapage quelque peu contrôlé devant un petit groupe qu’il semble connaître.
-          René ! Qu’est-ce tu fous ici, lui crie un malabar en lui filant une bourrade.
-          Dédé, et toi ? Moi ch’suis comme chez moi, ici ! Répond René.
Il s’ensuit toute une palabre de retrouvaille avec deux couples qui semblent en effet bien connaître René.
-          Permettez-moi de vous présenter mon ami Fortunio, dit-il. Je suis, pour l’heure son sous-traitant mais c’est tout ce que je peux vous dire.
-          Et tu roules en mob’, comme ça maintenant ? Dit le malabar en serrant vigoureusement la louche au dit Fortunio.
-          Véhicule de fonction, mon cher…, répond René.
Albert salue les amis de René, deux couples des environs. Il récupère la mobylette et va l’attacher à l’attelage de sa fourgonnette. Cela fait, il est interpellé par un homme, la soixantaine, râblé, souriant, qui lui demande si c’est bien la mobylette de Daniel Rambaud.
-          Oui, en effet, c’est bien la sienne, il me l’a prêtée en son absence…
-          Vous êtes un ami à lui ?
-          On n’est pas vraiment des amis, je suis venu garder sa maison en son absence. Mais il devrait revenir demain. Vous vouliez le voir ?
-          Non, pas forcément. Vous savez, je ne le connais pas très bien, j’avais rencontré son père adoptif deux ou trois fois mais nous n’avions pas vraiment sympathisé. C’est dommage mais c’est comme ça. Parce que le château, je le connaissais moi, vous savez, je l’ai connu bien avant Rambaud, j’avais quatorze ans…
-          Vous habitiez le château ?
-          Je m’entends, j’étais entré comme domestique, j’avais quatorze ans. Mes parents m’avaient placé au château parce qu’on était cinq enfants et que ça faisait beaucoup à nourrir. Le frère ainé restait à la ferme, puis j’avais une sœur ensuite moi et mon frère jumeau et encore une sœur. Mon jumeau avait le don pour faire plus d’études et une fois que j’étais placé, cela faisait une bouche de moins à nourrir et un peu d’argent qui rentrait aux parents. On était des métayers du château, à l’époque ils avaient grand de terres avec des métairies tout autour. Tout ça a été vendu, une ferme par monsieur Sammy…
-          Vous parlez de monsieur De Polat ?
-          Oui, tout le monde disait « monsieur Sammy » mais il s’appelait comme ça, en effet. Vous en aviez entendu parler ?
-          Tout juste un peu, c’est Daniel qui m’en a parlé.
-          Je ne crois pas qu’il sache grand-chose sur lui, déjà Rambaud lui-même ne savait presque rien et, comme je vous l’ai dit, je l’ai rencontré trois fois, je crois. Une première fois, c’est lui qui m’avait demandé de venir, à la fin des années cinquante, pour parler du château car il avait appris que j’y avais passé quelques années. Cette première fois, quand je suis arrivé, il m’a dit qu’il avait un imprévu et qu’il devait repartir sur Montauban. Puis je suis allé le voir deux ou trois ans plus tard et là, pareil, il n’avait pas le temps et il m’a demandé de revenir au mois d’août, il aurait du temps. Je suis revenu, on a parlé un peu mais j’ai pas senti que ça l’intéressait, il voulait juste savoir qui avait rassemblé tous ces objets bizarres dans le bureau. Je lui ai dit que monsieur Sammy était antiquaire et que je l’avais bien connu. Il m’a offert un café, il y avait ses jardiniers qui étaient là, ils ont parlé de choses et d’autres et je suis parti sans plus. Et je n’y suis jamais revenu.
(à suivre...)

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