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jeudi 16 juillet 2020

Appelez-moi Fortunio (75)


-          Voici mon épouse, déclare le facteur retraité. Ida, je te présente monsieur, euh…
-          Forelle, Albert Forelle. Bonjour madame, enchanté !
-          Mais vous n’êtes pas d’ici, monsieur ? Dit madame Ida.
-          Non madame, vous avez raison car je suis un étranger, je suis d’Agen, répond Albert.
-          Ah, on est presque parent alors, ma mère était de Brax, dit-elle sans relever l’ironie sous-jacente.
-          Ah, le monde est bien petit, madame ! Je viens de faire la connaissance de votre époux et il m’a proposé que nous mangions à la même table car il va me parler du château…
-          Pécaïre, s’il se lance là-dedans, vous n’avez pas fini ! Et pourquoi cela vous intéresse, à vous ?
-          Je travaille pour Daniel Rambaud. Il m’a bien raconté deux ou trois choses sur ce château mais je comprends que votre mari en sait beaucoup plus que lui.
-          Oh certainement mais s’il se lance là-dessus, moi je vais dire à mon amie Huguette de venir avec moi. Je la connais, moi, son histoire, vous comprenez, depuis trente-huit années de mariage ! Pour une fois qu’il trouve quelqu’un pour écouter tout cela, il faut qu’il en profite s’il a un auditeur !
La conversation continue sur ce ton et le bonhomme, désolé d’avoir omis de se présenter, dit qu’il se nomme Albert Thérieux. Encore un Albert, se marrent-ils.
-          Allons nous asseoir avec nos verres, dit-il, nous parlerons plus à notre aise.
-          Donc, vous m’avez dit que vous connaissez bien le château, lance Albert.
-          Oui et, comme je vous disais, monsieur Sammy avait vendu une des fermes du château et le reste a été vendu à la fin de la guerre, c’est un administrateur de biens qui a vendu rapidement les autres fermes avec les terres. Après, le château est resté pour compte, personne n’en voulait et c’est finalement ce Rambaud qui l’a négocié pour une croûte de pain. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit et je le crois. Mais il a acheté le bâtiment avec les meubles, le linge de maison, la vaisselle, tout quoi ! Il a bien fait quelques travaux mais pas tout de suite car il ne s’est pas installé avant plusieurs années. Je crois avoir compris qu’il avait acheté sans savoir s’il garderait le bien ou s’il le revendrait en faisant une belle culbute. Mais ce Rambaud, c’était un bosseur et puis il s’était fait des relations à la fin de la guerre. Son entreprise a vraiment démarré, on voyait des camions à lui passer dans tous les sens et il a eu les moyens de garder le château. Là où j’ai été surpris quand je suis allé le voir, ‘est de constater qu’il avait modernisé un peu, salles d’eau, chauffage central, mais sinon tout était resté dans l’état de l’époque de monsieur Sammy. Meubles, bureau, salon, tout ! J’aurais cru, en entrant dans le bureau, trouver monsieur Sammy derrière sa table de travail.
-          Oui, ça devait être assez impressionnant, je suppose. Mais parlez-moi de l’époque où vous étiez jeune et que vous travailliez au château…
(à suivre...)

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