-
Voici mon épouse, déclare le facteur
retraité. Ida, je te présente monsieur, euh…
-
Forelle, Albert Forelle. Bonjour madame,
enchanté !
-
Mais vous n’êtes pas d’ici,
monsieur ? Dit madame Ida.
-
Non madame, vous avez raison car je suis
un étranger, je suis d’Agen, répond Albert.
-
Ah, on est presque parent alors, ma mère
était de Brax, dit-elle sans relever l’ironie sous-jacente.
-
Ah, le monde est bien petit, madame !
Je viens de faire la connaissance de votre époux et il m’a proposé que nous
mangions à la même table car il va me parler du château…
-
Pécaïre, s’il se lance là-dedans, vous
n’avez pas fini ! Et pourquoi cela vous intéresse, à vous ?
-
Je travaille pour Daniel Rambaud. Il m’a
bien raconté deux ou trois choses sur ce château mais je comprends que votre
mari en sait beaucoup plus que lui.
-
Oh certainement mais s’il se lance
là-dessus, moi je vais dire à mon amie Huguette de venir avec moi. Je la
connais, moi, son histoire, vous comprenez, depuis trente-huit années de
mariage ! Pour une fois qu’il trouve quelqu’un pour écouter tout cela, il
faut qu’il en profite s’il a un auditeur !
La conversation continue
sur ce ton et le bonhomme, désolé d’avoir omis de se présenter, dit qu’il se
nomme Albert Thérieux. Encore un Albert, se marrent-ils.
-
Allons nous asseoir avec nos verres,
dit-il, nous parlerons plus à notre aise.
-
Donc, vous m’avez dit que vous connaissez
bien le château, lance Albert.
-
Oui et, comme je vous disais, monsieur
Sammy avait vendu une des fermes du château et le reste a été vendu à la fin de
la guerre, c’est un administrateur de biens qui a vendu rapidement les autres
fermes avec les terres. Après, le château est resté pour compte, personne n’en
voulait et c’est finalement ce Rambaud qui l’a négocié pour une croûte de pain.
Enfin, c’est ce qu’on m’a dit et je le crois. Mais il a acheté le bâtiment avec
les meubles, le linge de maison, la vaisselle, tout quoi ! Il a bien fait
quelques travaux mais pas tout de suite car il ne s’est pas installé avant
plusieurs années. Je crois avoir compris qu’il avait acheté sans savoir s’il
garderait le bien ou s’il le revendrait en faisant une belle culbute. Mais ce
Rambaud, c’était un bosseur et puis il s’était fait des relations à la fin de
la guerre. Son entreprise a vraiment démarré, on voyait des camions à lui
passer dans tous les sens et il a eu les moyens de garder le château. Là où
j’ai été surpris quand je suis allé le voir, ‘est de constater qu’il avait
modernisé un peu, salles d’eau, chauffage central, mais sinon tout était resté
dans l’état de l’époque de monsieur Sammy. Meubles, bureau, salon, tout !
J’aurais cru, en entrant dans le bureau, trouver monsieur Sammy derrière sa
table de travail.
-
Oui, ça devait être assez impressionnant,
je suppose. Mais parlez-moi de l’époque où vous étiez jeune et que vous
travailliez au château…
(à suivre...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire