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jeudi 5 août 2021

Dernier tableau (37)

Malgré la modération de la vitesse, il est tellement secoué qu’il lui semble que ses parties génitales vont lui sortir par les oreilles. Enfin ils arrivent à l’embranchement prévu. Eugène s’arrête et lui montre la route à prendre. D’un autre geste, ensuite, il lui montre sa propre maison, en contrebas, non loin de la route. Hervé hurle des remerciements et prend la direction indiquée.

Vingt minutes plus tard, il arrive à un embranchement d’où il peut apercevoir un abribus. Il consulte le panneau des horaires et constate qu’il n’y aura pas de bus avant seize heures. Pas de bus et en plus, direction Cancale. Là il se dit que les éléments sont contre lui. Il laisse tomber son sac par terre, découragé. Il s’assied sur le banc de l’abri.

Une moto passe à vive allure et il envie un peu le motard, filant ainsi. La moto fait demi-tour, revient vers lui et s’arrête. Le motard pose un pied à terre et enlève son casque.

 

– Vous auriez pas un peu loupé le bus par hasard ? demande-t-il.

– Plus qu’un peu en effet, répond Hervé.

– Vous allez à Cancale ?

– Même pas, je voudrais plutôt aller à Saint-Lambaire !

– Houlà ! Allez, montez, tant pis pour le casque, j’ai pas de temps à perdre. Je vais vous porter jusqu’à la nationale, il y a un arrêt de bus, celui de Saint-Lambaire. Je vous y dépose, je peux pas faire mieux, je peux pas me mettre en retard pour mon boulot. Mais vous aviez l’air si crevé ! Allez, en selle et accrochez-vous.

 

Hervé remet son sac sur le dos et enfourche la moto. Il est à peine assis que le motard démarre, il se cramponne au bonhomme qui fonce sur la petite route. Il ferme les yeux, puis les ouvre, rien à faire, il se sent crispé, cette fois il a l’impression que ce sont ses intestins qui vont descendre.

Le martyre est de courte durée. Après un long virage négocié avec un genou au ras du sol, le motard freine en effarouchant une mamie postée sous un édicule. Sitôt qu’Hervé a les deux pieds sur terre, le motard lui fait un signe amical et repart sur son bolide. Hervé salue la mamie qui le regarde avec circonspection.

 

– Bonjour Madame, vous attendez le bus pour Saint-Lambaire ?

– Oui, jeune homme, vous y allez aussi ?

– En effet. Il y en aura bientôt un ?

– Dans cinq minutes si vous regardez l’horaire et dans au moins dix minutes si vous connaissez Dédé Ricaute… Vous êtes un copain de Gégé si je comprends bien ?

– Je ne sais pas qui est Gégé, excusez-moi…

– Vous ne connaissez pas Gégé ? Et vous étiez derrière lui en moto !

– Excusez-moi, répéta-t-il, Gégé a eu pitié de moi, je n’étais pas au bon arrêt de bus et il m’a en quelque sorte pris en stop…

– Mais vous le connaissez puisque vous l’appelez Gégé, affirme rondement la mamie.

– Mais c’est vous qui… enfin, oui, peut-être que vous avez raison. Mais juste avant, j’ai été pris en stop par un tracteur, un vieux Ferguson.

– Ben oui, c’est Gégène, y’a que lui qui a un Ferguson encore ici, c’est l’oncle à Dédé, enfin l’oncle… par alliance si je peux dire.

 

Une telle discussion ne pouvait que faire arriver le bus. Hervé aide la dame à monter et quand il arrive face au chauffeur elle lui déclare :

 

– Devine, Dédé, qui qu’c’est qui a pris monsieur en stop ?

– Deviner quoi ? dit Dédé.

– Qui qu’c’est qui a pris monsieur en stop ? En stop sur son Ferguson !

– Ah ben, l’oncle Eugène vous a fait faire un tour de bennette ? Y vous a fait payer ou c’était gratis ?

– Gratis et gracieusement. Et il m’a même montré la route en prime.

 (à suivre...)

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