Hervé tend un billet de dix euros au nommé Dédé qui semble le prendre à regret. Il sort un ticket et rend la monnaie.
– Vous savez, les amis de Tonton sont mes amis, dit Dédé.
– Je ne sais pas si je suis son ami, mais…
– C’est qu’y connaît aussi Gégé, c’est Gégé qui l’a amené en moto à l’arrêt du bus, coupe la mamie.
– Alors, vous êtes le bienvenu à bord, allez, on y va, c’est pas tout ça, mais faut qu’j’amène ces messieurs dames à Saint-Lambaire. Et on est pas en avance, on y va !
Hervé s’assied vers le milieu du bus à bord duquel se trouve une dizaine de personnes. Il s’installe seul sur une banquette mais la mamie vient le rejoindre et reprend sans façons la conversation.
– Ainsi, vous êtes ici, vous connaissez tout le monde et y’a qu’moi qui sais pas qui vous êtes !
– Excusez-moi, madame, je n’ai pas eu l’occasion de me présenter. Hervé Magre, j’habite à Saint-Lambaire…
– Moi c’est Zélie, Zélie Lequeuvre de La Brémarde. Je serais comme qui dirait une cousine à Dédé…
– Et donc aussi à Eugène ?
– Oh, çui-là, j’le laisse là où il est. Vous savez, moi j’suis veuve et l’Gégène y’s’gène pas pour m’mettre la main aux fesses. Y chercherait bien à m’sauter, le vieux saligaud, à son âge ! Qu’il a sa femme encore mais qu’ça lui suffit pas…
– Je ne savais pas, je suis désolé. Mais en tout cas, Eugène m’a bien dépanné, j’étais perdu et il m’a remis sur la route.
– Oh pour ça c’est pas le mauvais bougre. Mais vous v’niez d’où pour être perdu ?
– Du Bussiau, c’est toute une histoire…
– Du Bussiau ! Mais y’a rien là-bas, si vous voulez louer la maison, je vous préviens, y’a pas l’électricité. Et puis cette maison, je voudrais pas dire, mais plus personne peut y rester depuis qu’les Veudenne sont partis. C’étaient les derniers fermiers, ils ont connu le malheur et puis tout est parti à vau-l’eau, vous savez.
– Ils ont perdu leur fille ?
– Oui, mais y’a toute une histoire derrière ça, j’étais jeunette à l’époque, on nous disait rien. Les gendarmes ont pas cherché trop loin. Y’en a un qui savait, mais qui c’est qu’écouterait un gamin de douze ans ? Un gamin de l’assistance avec pas trop d’instruction. Ah, il m’en a un peu parlé, il en savait des choses, mais on l’a pas écouté.
– De qui parlez-vous ? demande Hervé.
– Achille, oui le vieil Achille. On l’aurait cru un peu simplet, mais il s’en est pas mal sorti le p’tit Achille Trouvé.
– Achille Trouvé ? s’étonne Hervé.
– Oui, Trouvé il s’appelait. Enfin, il s’appelle toujours comme ça, il est toujours vivant. C’était pas un enfant perdu, son vrai nom c’était bien Trouvé.
– Mais alors, s’il est toujours en vie, il habite où ?
– Il est en maison de retraite, à Lamallieu. Oh, une bonne maison de retraite, il s’en est sorti j’vous dis le p’tit Achille. Les Veudenne, ils pouvaient plus l’garder quand y z’ont quitté Le Bussiau. Le père Veudenne, j’crois qu’y s’appelait comme vous tiens, Hervé, est parti de son côté et sa femme a eu des problèmes, j’sais pas trop, elle a été enfermée, elle savait plus c’qu’elle disait…
– Et Achille, on peut le voir si on va à Lamallieu ?
– Oh oui, bon moi j’y vais pas, c’est lui qui vient des fois dans l’coin, il a encore sa tête mais il a décidé qu’c’était mieux pour lui de s’mettre là. Vous savez, s’il avait voulu, j’l’aurais bien pris chez moi, mais allez, il a toujours été spécial lui, il voulait point d’femme, il est toujours resté seul, le pauvre. Il est pas si vieux qu’ça si on r’garde bien, il a qu’soixante-dix ans et d’nos jours, qu’est-ce que c’est qu’soixante-dix ans ? Bon, lui il a trimé, surtout petit et même après, mais il est encore bien vous savez.
– Et c’est facile à trouver, cette maison de retraite à Lamallieu ?
– Ah bais oui, c’est juste à l’entrée du bourg en v’nant de Saint-Lambaire, y’a pas à s’tromper. Et vous d’mandez Achille Trouvé, y doivent tous le connaître là-bas.
(à suivre...)
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