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dimanche 26 décembre 2021

Contes et histoires de Pépé J II (14) Gaspard à Noël

Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. Noël est là et, s’il est une histoire particulièrement belle qui se raconte dans nos campagnes, c’est bien celle au sujet des animaux qui parlent la nuit de Noël. Cette histoire est d’autant plus crédible que si vous tentez de les écouter en cachette, ils se tairont. Et je vais vous raconter ce que j’ai entendu moi-même de la bouche de Jeannot de la Houn delanis, un soir de Noël, dans le petit bistro d’un village des Hautes-Pyrénées. C’était un exigu café-tabac avec la petite licence, comme il n’en n’existe plus, où l’on vous servait, comme boisson la plus alcoolisée, un muscat agréable au palais et ne dépassant pas les 18° réglementaires. De plus, il y avait aussi le tabac, gauloises ou gitanes brunes et tabac gris ou Bergerac pour les rouleurs, sans oublier le papier à rouler non gommé, le seul valable. Nous étions attablés, Jeannot et moi, face à face avec nos verres de vin, un rouge sévère en litres étoilés, censé rincer les gencives. Jeannot avait, dans sa ferme, quatre vaches et une trentaine de brebis. Ancien éleveur de vaches, je le branchai sur cette légende des animaux qui parlent, jouant moi-même l’esprit fort. C’est là qu’il me conta l’histoire de Gaspard et du Cap de las Estelas.


Cela se passait en un autre siècle, les paysans vivaient dans le respect de leurs animaux, étant très proches d’eux, au point qu’il n’était pas rare que, pour les veilles ou les soins, il fallût passer la nuit dans l’étable ou la bergerie. Gaspard, lui, avait deux vaches, une dizaine de brebis, quatre poules, un chien, un chat et un âne. Ah cet âne était bien vieux, près de trente ans ! Trente années au service de Gaspard, il avait porté le bât, tiré un charreton et même parfois débardé du bois sans jamais se départir de son calme. Entre lui et Gaspard, c’était ce qu’on peut appeler une amitié. Même s’il ne pouvait plus porter de vraies charges, il accompagnait toujours son maître lorsqu’il allait couper du bois ou retourner du foin. Et il en allait ainsi avec les autres animaux de la petite ferme.


Mais Gaspard se faisait vieux et il voyait sa fin venir. Lui, qui avait toujours vécu un peu à l’écart des humains, avait du vague à l’âme de penser qu’à sa mort il se retrouverait dans un au-delà seulement peuplé d’humains. Car le curé l’avait dit, au catéchisme, les animaux n’ont pas d’âme et n’iront pas au paradis, ni en enfer. Cela le tourmentait.


C’est ainsi qu’une nuit de Noël où il se sentait bien malade, il entra dans la grange et, face au crèches, il se mit à parler à ses animaux, à leur expliquer son chagrin. Ah quelle émotion dans cette grange, tant l’âne que les vaches, les poules, moutons, chien et chat n’en pouvaient plus de sympathie pour le pauvre Gaspard. Et, à lui, ils lui parlèrent et lui dirent de monter sur le dos de Firmin, le vieil âne. Ensuite, ils partirent en cortège dans la montagne, ils allèrent tout en haut, au Cap de las Estelas, d’où l’on voit si loin dans la plaine par temps clair !

Arrivés au sommet, l’âne lui dit : «  Tu vois cette plaine où sont les hommes ? Dis-toi bien que tu laisses derrière toi bien des misères et que bientôt elles te paraîtront minuscules. Allons-y ! »


Le baudet se mit à galoper comme jamais il ne le fit et, ayant pris un bel élan, il prit son envol avec Gaspard sur son dos et suivi des autres animaux, y compris la basse-cour. Et les voilà qui survolent le pays, puis l’océan, des îles et des continents. Et toujours ils montent, ils montent jusqu’à tutoyer les étoiles. Et, comme elles, ils se mettent à briller et à scintiller, ils sont comme ivres de bel espace, de pureté et de beauté. Alors on dit qu’ils ont été transformés en étoiles et il paraît qu’on peut les apercevoir, par temps clair, depuis le pôle Nord, à moins que ça ne soit le Sud. Mais en tout cas, les gens de ces pays, qui donnent un autre nom aux constellations, ont appelés ces étoiles la ferme de Gaspard et c’est pas pour rien qu’ils ont donné ce nom-là ! Mais chaque nuit de Noël la constellation passe au-dessus des Pyrénées et on peut voir les deux vaches Grisette et Lauret, les brebis, les poules, le chien Bizor et le chat Pouif, l’âne Firmin et Gaspard luire de bonheur dans le ciel d’hiver.


Cric crac, mon histoire est finie et c’est un conte de Noël.



1 commentaire:

  1. une belle balade champêtre de Noël
    comme tu sais nous les conter, cher Pierre

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