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jeudi 3 février 2022

Dernier tableau (62)

Il sort et ferme doucement la porte. Elle fait un claquement en se fermant et il avance rapidement dans la rue. Il se cache dans une entrée de garage et se chausse. Il remarque un petit cabriolet italien de couleur rouge qui n’était pas là quand il est arrivé. Il jette un coup d’œil vers la fenêtre de Sara. La lumière est allumée. Il repart vers le boulevard en se disant que ces jeux là ne sont plus de son âge. Il aurait pu se casser le col du fémur en tombant sur le balcon du voisin. Il aurait eu l’air malin, il aurait fallu appeler les pompiers. Qui sait si le Fred, oui Fred Tucaume, n’aurait pas été mis sur le coup, il se serait retrouvé dans le Courrier d’Émeraude avec sa photo en calbute ! Rien que du bonheur comme disent les télévisuels. Et ça commence à bien faire, deux fois qu’il passe à côté du plaisir. La prochaine fois, se promet-il, je la saute et après, on cause et on mange. Pas question de rejouer les acrobates. Et pour couronner le tout, il n’a même pas la bio de Leyden qui est restée sur la table basse. Et voilà qu’une pluie fine se met à tomber.


Ce soir il pleut sur Knokke-le-Zoute
Ce soir comme tous les soirs
Je me rentre chez moi
Le cœur en déroute
Et la bite sous le bras


Malédiction ! C’est là qu’il se rend compte qu’il a laissé sa veste chez Sara. Non seulement sa veste, mais aussi ses papiers. La soirée qui avait commencé au pont d’Arcole se terminait comme il se doit en Berezina. Il marche sous la pluie, le nez baissé, les yeux sur le bout de ses chaussures.

Enfin, il arrive rue Équoignon, devant sa porte. Il ouvre discrètement, passe sans bruit devant chez madame Lemond et monte chez lui. Il entre, trempé jusqu’aux os. Il se déshabille, flanque ses vêtements dans la douche, sèche rapidement ses cheveux et se glisse au plus vite dans son lit. Il a dans sa tête de quoi passer une nuit blanche. Mais son corps en décide autrement et il s’endort immédiatement.


*


Le lendemain matin, mardi, il se réveille à plus de huit heures avec un bon rhume. Il se lève, regarde par la fenêtre, constate qu’il pleut toujours et envisage de passer la journée dans son appartement. Après un petit déjeuner, il se met devant son ordinateur et passe ainsi son temps jusqu’à midi, heure à laquelle il s’efforce de manger un peu. Ensuite, il se remet au lit, un peu pour se soigner et beaucoup pour ne plus penser à rien, ce qui en fait revient au même se dit-il.


Et c’est évidemment le téléphone qui le sort de son sommeil léthargique et fiévreux, vers les quinze heures trente.


– Hervé ? entend-il, il reconnaît la voix de Sara.

– Oui oui, c’est bien moi.

– C’est Sara, je suis désolée, je te dois des excuses… et des explications… Comment vas-tu ?

– Aussi bien que quelqu’un qui est revenu sans veste chez lui, tchhoummm…, répond-il.

– Tu n’as pas pris froid quand même ?

– Je n’ai pas pris froid, j’ai seulement pris un gros rhume.

– Bon, je sais, c’est de ma faute, laisse-moi te ramener ta veste et je t’expliquerai tout.

– Maintenant que je suis au sec et au chaud, ce n’est plus ma veste qui m’intéresse, mais mes papiers tout de même…

– Je peux venir te voir, je peux faire quelque chose pour t’aider à te soigner ?

– Oui, tu peux me ramener ma veste demain matin, pour aujourd’hui, je préfère souffrir seul…

– Tu souffres à ce point ?

– Mais non, je plaisante, aujourd’hui, je reste bien au chaud, au repos, et demain cela ira mieux.

– Prend une aspirine et mets-toi au lit alors…

– C’est au lit que j’étais quand tu as appelé, mais je suis heureux quand même d’entendre ta voix…

– Tu m’aimes un peu ?

– On y verra plus clair demain matin, pour le moment, je n’aime personne, je veux dormir.

(à suivre...)

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