Oreilles attentives de Guyenne et Gascogne, bonjour. D’aucuns, ayant lu Darwin ou en ayant entendu parler, pensent qu’au fil de notre longue évolution il manque quelque chose à cette longue chaîne qui descend des protozoaires en passant par le singe jusqu’à l’humain. En effet, il leur semble qu’entre nous et les grands singes, il manque un échelon, une marche, un maillon. Et c’est ce qu’ils appellent le chaînon manquant. Je me dois de reconnaître qu’il m’est bien souvent arrivé, en fréquentant certain de mes contemporains, de penser trouver chez eux l’une ou l’autre trace d’origine simiesque, soit dans leurs aptitudes physiques, soit dans leurs formes de pensées, soit encore dans les deux à la fois. Toutefois, cela ne me permet en aucun cas d’imaginer qu’ils représentent un pont entre l’humain et le singe car je les imagine plus sur l’autre rive du fleuve qui nous sépare.
Mais ce ne sont là que supputations et ce qui devrait nous intéresser maintenant ce sont les nouveautés que les démagogues du lexique veulent nous imposer. Vous aurez compris que je veux parler non pas du chaînon manquant mais du pronom manquant qu’un négociant en dictionnaire croit avoir trouvé pour se faire bien voir des bobos et des bien-pensants. Je ne citerai pas le nom de ce boutiquier du lexique, je ne citerai pas plus le pronom en question pour ne salir ni ma plume ni ma langue.
Je vais vous rappeler ce que, déjà en février 2016, j’écrivais dans mes chroniques :
Ce qui est intéressant, c’est de voir que notre langue change sans se soucier des contraintes réglementaires et que ceux qui veulent la domestiquer sont toujours à la traîne ou à côté de la plaque. A ma droite, l’Académie qui freine des quatre fers, au centre le gouvernement qui légifère et à ma gauche les fabricants de dictionnaires, toujours avides de démagogie, qui glissent dans leurs colonnes quelques expressions de verlan des cités pour se faire bien voir des bobos et des zélateurs des banlieues. Finalement, ceux qui veulent nous imposer leur langue se considèrent comme des dominants, qu’ils soient en habit vert, écharpés de tricolore ou rappeurs casquettés à l’envers. La bataille pour l’orthographe est une partie de la bataille des idées. L’alliance entre ces trois groupes conduit à créer une culture hégémonique bâtarde issue de la bourgeoisie et mâtinée par la langue des cités. Le meilleur exemple de cette domination est bien l’entrée de l’expression « triple A », instrument de la dictature de la finance sur le monde d’une part, et celle de la « beuh » outil de l’empire de la drogue et de ses suppôts d’autre part.
Ce n’est donc pas d’hier que date cette frénésie totalisante qui, si elle n’était que lexicale, serait bénigne. Mais il y a derrière cela une police de la pensée et des commissaires politiques qui cherchent à nous soumettre à leurs oukases de tsars autoproclamés.
Donc, puisque chacun peut y aller de son petit pronom, je vous soumets un vrai pronom manquant, un pronom qui ne désignerait personne ou plutôt qui représenterait l’absence, un pronom authentiquement impersonnel, ce serait le pronom « ul » qui ne désignerait ni une personne, ni un animal, ni une chose. En définitive, un mot que nul n’aurait besoin d’utiliser et qu’on n’aurait même pas besoin de mettre dans le dictionnaire. Celui auquel tous penseraient sans jamais le prononcer.
On voit par-là qu’il ne faut pas avoir la tête ailleurs et qu’il faut se méfier du gros dictionnaire.
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