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jeudi 13 janvier 2022

Dernier tableau (59)

Ce petit tableau, quand je l’ai eu, j’ai trouvé qu’il était mal encadré, il était dans un cadre noir et épais et je suis allé voir un encadreur pour voir si on pouvait le mettre dans quelque chose de mieux. L’encadreur a été un peu surpris de ce cadre si épais, il a voulu sortir le tableau de son cadre et il a découvert qu’il y avait un autre tableau dans l’épaisseur du cadre, un autre tableau d’Artur Leyden, caché derrière la ferme du Bussiau. Un portrait d’une très jeune fille…

– Arrêtez, dit Achille d’une voix étranglée, attendez, ce n’est plus possible... Je préfère que vous me laissiez seul. Je ne vous promets rien, mais il faut me laisser un peu de temps. Revenez un autre jour mais maintenant, je ne peux plus.

– Je vais vous laisser mon adresse et mon numéro de téléphone, ici sur ce petit papier, dit Hervé en se levant et en posant le papier sur une table. Je m’en vais, je vous prie de me pardonner si je vous ai fait du mal. Je peux partir ? Ça ira ?

– Oui, répond Achille en pleurant doucement, ça ira. Merci et on verra.


Hervé effleure de la main l’épaule du vieil homme qui se tourne vers lui et lui sourit à travers ses larmes. Il lui tend une main timide qu’Hervé serre entre les deux siennes. Il sort de la chambre et quitte l’établissement.


*


Dans le bus qui le ramène à Saint-Lambaire, il se sent à la fois un peu coupable d’avoir remué ce vieil homme et en même temps, il sait que quelqu’un devait un jour donner à Achille la possibilité de parler. Il en fera ce qu’il voudra, il usera ou n’usera pas de cette possibilité, maintenant la balle est dans son camp. Hervé ne le relancera pas.

Il arrive à la gare routière vers cinq heures et revient chez lui. Il a à peine passé la porte d’entrée que Madame Lemond ouvre sa porte et l’interpelle :


– Monsieur Magre, Hervé, excusez-moi mais Sara m’a appelée. Elle a essayé de vous joindre mais vous étiez absent. Elle aimerait que vous lui passiez un coup de fil. Si vous voulez, vous pouvez appeler de chez moi, vous savez, dit-elle.

– Merci Édith, c’est très gentil de votre part, mais je n’ai pas le temps là tout de suite, j’appellerai dans un quart d’heure.

– Je comprends, je vous laisse. Bonne soirée Hervé.

– Bonne soirée, Édith. Et encore merci.


Il monte l’escalier et entre chez lui. Il voit le Leyden, la jeune fille à la robe d’organdi. Une sorte de nostalgie incompréhensible le prend aux tripes. Il pense à Achille qu’il a laissé dans un si grand trouble. Il reste deux minutes devant le tableau puis il se dit qu’il espère que madame Lemond n’est pas venue. Il jette un coup d’œil rapide, passe le bout des doigts sur la commode et suppose que ce n’était pas le jour du ménage.

Il se prépare rapidement une tasse de café et s’installe au téléphone pour appeler Sara.


– Bonjour Sara, c’est Hervé. Comment allez-vous ?

– Hervé ! Édith t’a dit que j’avais essayé de t’appeler ?

– Oui, je m’étais absenté tout l’après-midi.

– Encore en randonnée ? Ah, j’aimerais marcher moi aussi, mais je suis incapable de me décider à partir seule…

– Venez marcher avec moi un de ces jours, on peut s’organiser une petite marche si cela vous dit.

– Pourquoi pas ? Je retiens la proposition mais pas une randonnée trop longue, je manque d’entraînement, je ne crois pas que je pourrais marcher plus de deux heures, deux heures et demie.

– On peut faire un circuit à l’intérieur des terres, ou bien préférez-vous en bord de mer ?

– Attends, on en reparlera. Je voulais déjà te dire que j’ai reçu aujourd’hui la monographie sur Artur Leyden de Monsieur Estrade, tu te souviens, l’ancien conservateur du musée ?

– Oui, excellente nouvelle, j’aimerais pouvoir y jeter un coup d’œil.

(à suivre...)


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