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jeudi 21 avril 2022

Dernier tableau (73)

 

Attends, je vais te la montrer, elle est ici.


Sara ouvre une penderie. Tout en bas à gauche, un peu cachée sous du linge plié, il y a une petite mallette brune. Elle la sort et regarde, apparemment elle est fermée à clé. Il la prend et essaye de l’ouvrir, sans succès.


– On peut faire sauter la serrure, dit Sara.

– Pas question, ne cherchons pas les embrouilles. Demain matin, tu fais le point sur ce que tu aurais éventuellement pu oublier de balancer par la fenêtre. On en fera un paquet et on le lui envoie par la poste. Tu as son adresse au moins ?

– Eh non, il ne m’a jamais donné d’adresse. Je crois qu’il a un point de chute à Arcueil ou dans les environs, mais je n’en sais pas plus. Deux fois il m’a emmenée à Paris et deux fois nous avons logé à l’hôtel. Pas des trois étoiles, d’ailleurs, des espèces de coupe-gorges. Je crois qu’il était copain avec le propriétaire.

– Donc, il n’est pas joignable ?

– Il a un portable, j’ai le numéro. Sinon, j’ai aussi un numéro de fixe, mais c’est celui d’un bistrot à Saint-Denis. On lui fait la commission. Je dois dire que j’appelle pour Monsieur Charles, ou Carlo. C’est tout.

– Dis donc, c’est un peu interlope tout cela. Et cette mallette, qu’est-ce qu’elle faisait dans le bas d’une armoire ? C’est là qu’il avait ses vêtements ?

– Pas du tout. Il voulait qu’elle reste planquée là. Il m’avait dit que s’il en avait besoin et qu’il ne pouvait pas venir la chercher, je devrais la lui faire passer, il me donnerait des instructions au téléphone. Cela semblait important.

– Remets-la là où elle était, on va dormir et on verra demain.


*


Le lendemain matin, Sara a des courses à faire. Elle dépose Hervé rue Équoignon. Il monte jusqu’à son appartement. Dans le fond d’un placard de la cuisine, il a lui aussi une sacoche discrètement cachée. Il la sort, l’ouvre et puise dedans. Il en sort un jeu de rossignols, une petite pince et une paire de gants fins. Il met le tout dans sa poche. Après avoir remis soigneusement la sacoche en place, il ressort et part en direction de la rue Onfray. Il sait que Sara en sera absente jusqu’en fin de matinée. Arrivé chez elle, il ouvre avec la clé de Renato qu’il a gardée. Il monte et va directement à la penderie. Il enfile les gants, sort la mallette, la pose sur une table et fait chanter ses rossignols. En moins de cinq minutes, la mallette est ouverte, proprement et sans avoir laissé de traces. Il en inspecte le contenu. Il sort une grosse pochette dans laquelle il trouve un passeport européen émis en Italie au nom de Gian-Marco Cobrizzi. Il reconnaît Renato sur la photo. Il trouve aussi une liasse de billets de 200 euros, une autre de billets de 5000 guaranis paraguayens et une dernière de billets de 100 colones du Salvador. Dans une des poches latérales, il trouve une carte d’identité en mauvais état, au nom de René Luruquin, 17 rue des escargots à La Garenne-Bédat dans la Somme. Il y a aussi un pantalon léger, une chemise, des sous-vêtements, une paire de lunettes de soleil et une autre, de vue, fumées. Et enfin un sachet dans lequel se trouve une perruque. Il note soigneusement les noms et adresses et extrait un billet de chaque liasse. Il remet tout soigneusement en place et referme la mallette avec la même application, avant de la remettre en place. Il quitte rapidement la maison de Sara et remonte le boulevard. Il s’arrête à l’agence bancaire où il a ouvert son compte. Il demande à voir le chef d’agence, un homme jovial avec lequel il avait sympathisé. Celui-ci le reçoit rapidement et Hervé lui explique qu’il voudrait vérifier des billets qu’un acheteur lui a remis en acompte sur une vente, dit-il, de véhicule. Il voudrait pouvoir s’assurer qu’il ne s’agit pas de fausse monnaie. Le chef d’agence sourit, histoire de montrer qu’il n’est pas dupe, et comprend en tout cas qu’Hervé veut récupérer les billets quoi qu’il en soit.


– Je vais passer les euros dans la machine, ce sera une indication fiable. Pour les billets étrangers, c’est une autre paire de manches, je vais faire un contrôle visuel, c’est tout ce que je peux faire.

– Je ne vous en demande pas plus. S’il y a un doute, je refuse la transaction.

– Go, je vais vérifier votre 200 euros, je reviens.


Deux minutes après, il le rejoint :


– Vous avez bien fait de vérifier, c’est un faux. Voilà, je vous le rends, pas de cérémonies… Voyons les autres. Le paraguayen n’a pas l’air mauvais, sans garantie car je n’ai pas trop l’habitude. Le salvadorien, on dirait une belle photocopie, je dirais que c’est un faux de chez faux. Voilà, je vous les rends. Je ne peux pas vous en dire plus, considérez que ces billets ne sont jamais entrés dans ce bureau. Pour le reste, à vous de voir !

– Merci beaucoup, vous m’évitez bien des déboires.

– Et surtout, évitez de vous faire payer en monnaies exotiques. Bonne chance.

– Au revoir et encore merci, dit Hervé en repartant.


Il rentre chez lui. Il ne sait que penser du bonhomme. Une chose est sûre, c’est que c’est un petit trafiquant qui fait un peu dans la fausse monnaie, qui a des faux papiers au cas où. La mallette n’est pas le genre d’outil qu’il va laisser trainer derrière lui, il voudra certainement la récupérer.

Il regarde son courrier électronique, il a un message d’Antonia Secondat avec en fichier attaché, un fatras de documents scannés, peu lisibles. Il y a même un dossier médical sur Artur Leyden, tout en termes médicaux peu compréhensibles au commun des mortels. Il croit comprendre qu’Artur a subi certaines séquelles d’une parotidite à l’âge adulte. Mais l’ensemble est assez vague et il remet à un autre moment l’étude de ce dossier.


(à suivre...)

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