Chronique
du temps exigu (12)
On n’arrête pas le progrès en marche. Pas plus que l’on
n’arrête sa course. Il est évident que le progrès va, court et vole de son
propre zèle.
Le niveau monte et des scientifiques de toutes farines et de
toutes obédiences publient de manière régulière d’étonnantes découvertes.
Jusqu’où ira-t-on, peut on se demander à juste titre ? Mais jusqu’où
n’ira-t-on pas aussi ? Qu’est-ce qui fait que ce progrès tant vanté, lancé
comme une locomotive, n’entraîne pas à sa suite tous les wagons de l’esprit
humain ? Car il faut le dire : si de plus en plus de grands esprits
paraissent briller au firmament de la science et de la technique, ces derniers
semblent laisser sur le bord de la route tant et plus de pauvres cervelles
démunies et ignorantes de l’expansion du progrès…et c’est ici que je dois
arrêter mon élan.
En effet, je comptais livrer une chronique sur la
médiocrité, qu’elle soit intellectuelle ou non. J’avais écrit plusieurs lignes
et en me relisant, je constate que la médiocrité est contagieuse. Je relis ces
quelques lignes (supprimées depuis) et suis frappé par la médiocrité de mon texte.
Ne peut-on fustiger la médiocrité que médiocrement, avec des phrases et des
pensées banales et mesquines ? La médiocrité se défend-elle en contaminant
celui qui voudrait la fuir ?
La médiocrité intellectuelle est-elle inéluctable ? On
peut le craindre, il n’y a pas de places pour tous dans les fourgons du progrès.
Et on en arriverait même à penser que le progrès, en tirant la médiocrité vers
le haut la rend ainsi encore plus minable (tel qui pensait devenir un haut
personnage le matin en se rasant se montre bien trivial en nous barbant le
soir) et l’on peut voir que des découvertes géniales peuvent se transmuter en
applications insignifiantes dans les mains d’individus sans qualités.
On voit par là qu’il faut taire ce dont on ne peut parler.
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