Chronique du temps exigu (8)
Où l’on en remet une couche…
L’humour a-t-il un prix ? Plus aucun maintenant que les
émoticônes sont gratuites.
Dans un roman de Huxley, il y a un personnage qui se ferait
pendre plutôt que de se priver d’un bon mot. C’était une autre époque, celle où
vous pouviez vous faire virer du collège pour mauvais esprit… et ceci est un
simple exemple.
Imaginons une conversation. Vous êtes gourmandé par un
gendarme sous l’œil d’un passant :
-
Monsieur, dit le pandore, vous
avez commis une infraction, je vais vous enlever un point.
-
Quoi, répondez-vous, vous voulez
prendre mon point ?
-
Monsieur, vous dit-il en retour,
vous me menacez ?
Vous pensez avoir fait de l’humour. Le passant, observateur
plus ou moins neutre, y a vu de l’ironie. Quant au représentant de l’ordre, il
y verra dans le meilleur des cas du persiflage et dans le pire, une menace.
Vous avez courageusement bravé l’autorité en risquant de vous faire accuser de
rébellion.
Aujourd’hui, vous ne risquez plus rien. Allez donc voir sur
le vèbe. D’après l’Institut Périamétri, plus de soixante-dix pour cent
des phrases échangées dans les forums de discussion finissent par ce bizarre
assemblage appelé émoticône formé du deux points – tiret sous le six –
fermeture de parenthèse, aussi appelé « smiley ». D’après Médiapétri, on passerait même les quatre-vingt
pour cent ! De fait, bien des émetteurs de messages qui ne comprennent pas
leur propre message, se satisfont de ce petit drapeau pour dire : «
c’était pour rire ». Et bien d’autres agitent ce drapeau au cas où il y
aurait de l’humour dans ce qu’ils ont écrit. Et je n’ai pas encore parlé de
l’expression « Lol », d’origine douteuse quoiqu’anglo-saxonne (à
moins que cela ne soit le contraire ?) que d’aucuns traduisent par
« mort de rire ». De nos jours, il y a plus de gens qui ressuscitent
après ce genre de décès que d’individus qui trépassent. L’humour, comme le
crime, ne paie plus.
On voit par là que quand l’humour n’a pas de prix, il est
aussi sans valeur.
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