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jeudi 29 janvier 2015

Le cabot de Fortunio (30)

-          Ils n’en savent rien, ils ne l’ont jamais contrôlé et ils ne vont pas relever tous les numéros de plaques des voitures du coin… surtout quand elles sont particulièrement rapides.
-          Bien, bien. Et on fait quoi avec ça ?
-          Inutile de se pointer là-bas, je n’ai aucune autorité pour y aller et l’enquête est pour ainsi dire close. Mais tout de même, j’aimerais bien aller jeter un coup d’œil en douce…
-          Ouiiii, et tu ne comptes pas m’y envoyer, j’espère. Ça m’étonnerait qu’on me reçoive avec de la tartiflette, ce coup-ci. Ou alors une tartiflette dans la tronche !
-          Bien sûr, on irait à deux, j’ai un peu repéré les lieux sur goût-gueule-heurte, il n’y a qu’une petite route goudronnée pour y aller et qui descend, pas le genre pour une arrivée discrète. Mais plus haut, il y a des bois, un chemin d’exploitation et on devrait pouvoir garer la voiture au-delà du bois et s’approcher à pied. Le mieux, ce serait un matin tôt, juste avant le lever du soleil…
-          Là, pendant la semaine, inutile d’y compter, je bosse moi ! coupé-je d’autorité.
-          Tu as raison, je proposerais plutôt même dimanche matin. La météo prévoit un temps brumeux, de la bruine peut-être, de quoi aller se balader discrètement en tenue pas trop voyante, si tu vois ce que je veux dire…
-          Allez, pourquoi pas ? A quelle heure dimanche matin ? Il faut une heure et demie pour aller là-bas, non ?
-          Un peu plus, même. Je propose trois heures du mat’ ici, dit-il en débouchant une petite bouteille.
-          Ça boume. Bon, on finit cette fillette de rosé et tu te barres. A moins que tu veuilles casser une croûte sur le pouce…
-          Oh non, je bois juste un petit coup et, comme tu le dis si bien, je me barre. En tant que gendarme, je peux difficilement me permettre de dépasser la limite légale, tu le sais bien. Et puis, je dois quand même me présenter à la maison, le retour à pas d’heure ça va bien une fois de temps en temps, dit-il en vidant son godet. Allez, à dimanche !
Après son départ, je sors une miche de pain et un morceau de Cantal grand comme une entrecôte de Salers puis je m’enfile tout cela avec un bon coup de rosé avant d’aller dormir.
*
Le lendemain soir, après une studieuse journée de boulot, Flèche et moi allons à notre première séance au club canin de Courtlieu. C’est fou ce que ce clébard apprend vite, il est bien plus doué que moi et on commence à former une bonne paire à tous les deux, la tête et les jambes comme qui dirait…

Vendredi soir, je décide de tenir ma parole et, une fois habillé en citadin, je me rends à l’Espace Peinture de Bergerac seul sans ma Flèche, restons discrets. L’expo se situe à coté de la rue Denis Baudelaire, dans une rue plutôt calme. Il commence à faire noir et en arrivant je vois deux personnes qui discutent devant ce que je suppose être la porte d’entrée. Je suis encore à une bonne trentaine de mètres mais il me semble comprendre qu’il y a du désaccord dans l’air. Un gars, pardon : un monsieur, cinquantaine et fringué comme il faut, rouspète et tente d’entrer en écartant une gonzesse, pardon : une dame à queue de cheval sombre qui doit faire un mètre quatre-vingt-dix et un empennage d’autant. Evidemment, le monsieur, qui fait une tête de moins que la dame, n’arrive pas à faire bouger la solide cerbère qui doit avoir tout au plus trente ans et des battoirs comme des raquettes. Il élève la voix. Madame queue-de-cheval le chope par le col et lui balance par un aller-retour deux petites calottes qui claquent joyeusement. Le calotté bat de l’aile mais la solide vigile le tient toujours par le col, bras tendu. En deux temps, elle l’attire vers elle légèrement puis le propulse en arrière. Le gazier peine à tenir son équilibre et se retrouve presque face à moi.
(à suivre...)

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