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jeudi 30 avril 2015

Le cabot de Fortunio (43)

Des phares percent le brouillard de l’autre côté du vallon. Le bruit est poussif et je suppose qu’il s’agit d’un camion. Les phares apparaissent maintenant plus nettement et le véhicule commence à descendre vers la ferme par la petite route goudronnée. Il entre dans une nappe de brume, ses phares transpercent à peine cette vapeur. Au bruit, je comprends qu’il ralentit, il doit être devant la maison. Un grincement de freins, on entend un coup de klaxon discret. Une lueur apparaît aussitôt, depuis l’habitation. Quelques cris, le camion embraye et repart. Il monte dans notre direction. Raymond me fait signe de ne pas bouger. Nous attendons à l’abri du fourgon. En se haussant, on arrive à voir au travers des fenêtres de la cabine sans être vu. Le camion, car maintenant c’est sûr que c’en est un, émerge du brouillard, il tourne devant le hangar où nous étions il y a peu, manœuvre et se met à cul vers le hangar. Le moteur stoppe, un puissant phare arrière éclaire l’entrée du bâtiment et deux gars en sortent. Ils ouvrent l’arrière, le camion est équipé d’un hayon. A grand bruit, ils font descendre des cages vides qu’ils entassent sur les côtés. Deux gars arrivés à pied de la maison viennent les aider. Une fois qu’ils ont sorti une vingtaine de cages, ils se mettent à charger les caisses avec les chiens. On entend quelques jappements vite couverts par le bruit de ferraille des cages. Ils les chargent puis referment bruyamment l’arrière et remontent le hayon. On entend parler sans pouvoir discerner ce qui se dit. Ils sont encore à l’arrière du camion, Raymond s’avance vers le camion, prend une photo puis revient vivement. Juste à temps car les gars remontent dans leur véhicule et démarrent. Les deux autres retournent vers la maison. Le camion tourne, manœuvre un peu, Livron en profite pour faire encore une photo avant de se remettre en planque puis tout redevient calme. Le jour commence à se lever  et d’un commun accord nous allons vers le hangar. Ce sont bien d’autres cages qui ont été déposées, Raymond prend encore des photos et je remarque dans un coin le cadavre d’un clebs. Je fais signe à mon photographe qui agit aussitôt. Nous repartons vers le bois, tout semble calme lorsqu’un jars déboule d’on ne sait où en cacardant, les ailes écartées et tendant le cou en direction de Raymond qui accélère. Mais rien à faire, l’autre le chope au fond du froc. Je me marre intérieurement tout en saisissant un vieux balai en paille de sorgho qui traîne par-là et j’en fustige le volatile, assez pour qu’il se taise et lâche la fesse gendarmeuse. Nous fonçons vers le bois. En me retournant, je vois que rien ne bouge du côté de la ferme, seul le jars regarde encore dans notre direction.
-          Ben dis donc, il t’aurait bouffé, dis-je en arrivant dans le bois.
-          Chut ! Merci quand même mais taisons-nous, dit Raymond en zoomant son appareil vers la ferme.
Il prend encore quelques photos avant de me faire signe de revenir à la Clio. Il note un truc sur un bout de papier, démarre, sort du bois et reprend la route.
-          Pas la peine de s’attarder, suffirait qu’un couillon passe par-là…
-          Un couillon lève-tôt, ricané-je.
-          Je sais mais on en sait déjà beaucoup sur ce qui se passe là-dedans. Tu as entendu parler de cette série de disparition de chiens sur la région ?
-          Non, pas particulièrement mais je lis très peu les journaux.
-          Oh mais les journaux en ont très peu parlé. Et pour cause car on préfère ne pas ébruiter. Si peu que tu leur en dises, ils t’en font toute une tartine et ça affole la population. Je dirais qu’on nous avait demandé d’ouvrir l’œil, sans plus. Mais ce coup-ci, on dirait bien qu’on a affaire à une bande organisée…

-          On cherche pas à rattraper le camion ?
(à suivre...)

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