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dimanche 19 juillet 2015

Chronique du temps exigu (158)

Les peuples heureux n’ont, paraît-il,  pas d’histoire. Mais les imbéciles heureux s’en font une. Non qu’eux ou leurs ancêtres aient vécu des évènements fameux et historiques mais ils sont capables, dans la faiblesse de leurs moyens, de s’en inventer une. Et l’histoire imaginaire des imbéciles heureux, cela n’est pas rien. Parfois, même, cela a un nom, on l’appelle folklore ou légende mais le mot bêtisier serait, dans bien des cas, plus approprié. L’histoire des peuples est bien souvent éludée au profit de celle qui glorifie les puissants. Mais elle ne gagne rien à se faire folkloriser par des gugusses.
Ainsi, on vous crée, dans des décors d’opérette, des héros  de carton-pâte dont le moindre froncement de sourcil devient rébellion, le plus léger mouvement d’épaule devient résistance, la plus subtile bouffée d’adrénaline devient bataille et conquête. Avec un léger fond de vérité  noyé dans une mer d’insignifiance, ils émerveillent les crédules couillons auquel on fait avaler ces bobards. Il ne manque pas d’officiels, qu’ils soient élus, grossiums ou hauts fonctionnaires, pour entériner ces vérités qui les arrangent bien : quoi de moins troublant que de minuscules héros dont les médiocres sagas embellissent de leur mythe une histoire ripolinée et une geste embaumée. Et, les ânes se frottant aux ânes, les imbéciles heureux et leurs élus se congratulent : ils sentent l’écurie malpropre mais peu leur importe, ils se réchauffent à  la flamme tiède de leur indigence morale. Car ils peuvent aller loin ainsi dans la réécriture de l’histoire et leurs possibilités sont immenses. « De l’incertitude profonde des desseins naît une étonnante marge de manœuvre » écrivait Jean Anouilh.
Partant de nulle part, sans dessein certain, ils se retrouvent chacun derrière soi sans savoir comment. Peu leur chaut que leurs histoires trébuchent et bégaient du moment qu’ils les étalent et en tartinent la presse locale ; leurs écomusées sont des parcs d’attraction et leurs lieux de mémoire des ensevelissements pour touristes incultes.

On voit par-là que ce n’est pas la peine de faire tant d’histoires, d’autres s’en chargent.

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