-
Et
comment, que tu courais ! Bon, t’aurais pas gagné le cent mètres mais
fallait le faire. Tu vas avoir l’un ou l’autre muscle qui a pas dû aimer et qui
te le fera sentir dans les jours qui viennent. Tu vois, c’est ça la vie :
chacun joue sa partition. Moi, mon rôle était de te traiter de connard et de
pas te laisser courir un risque inutile. Ok, mais toi t’avais une autre
partition à jouer et là je te lève mon chapeau. Tu savais que t’avais les ressources
pour faire ce que t’as fait et t’a joué solo. Balèze, je sais pas ce que
j’aurais fait, moi. Et quand je t’ai crié de partir à droite, t’as entendu,
t’as compris. Bon, à ce sujet-là, je retire le mot connard…
-
Bof,
y’a des mecs, je supporterais pas mais c’est peut-être un honneur de se faire
traiter de connard par toi… Et puis, instinctivement, j’ai compris car l’autre
gonze quand il a obliqué avec la valoche, c’était pour laisser le champ libre
au tireur.
-
Enfin,
bon, tu m’en veux pas trop. Quand t’as obliqué, il était temps, vous auriez
pris un autre pruneau. On a pu commencer à tirer sérieusement, les gars ont dû
se replier derrière le sommet de la dune. Il n’y avait heureusement qu’un seul
tireur et, avec le gars qui est venu récupérer la valise, il me semble en avoir
vu deux autres. Ça ferait quatre en tout mais il pouvait s’en planquer plus
bas, on ne le saura jamais. C’est quand même ce qui me fait penser que ce ne
sont pas des gros calibres, ces mecs-là, ça serait plutôt des p’tites bites…
attention, c’est pas pour autant qu’ils sont moins dangereux, tout le contraire
des fois mais c’est pas du politique ou du grand banditisme. Enfin, je dis ça,
ce n’est que moi qui le dis mais on demandera au colonel Donno ce qu’il en
pense et ça m’étonnerait qu’il ne soit pas du même avis que moi.
-
Eliane,
elle va s’en sortir ?
-
Ecoute-moi,
j’en sais rien. On aura fait le max pour elle, avec un hélico siouplaît tout de
même ! Cela dit, à Wassabé, faut pas croire mais il y a des bons médecins.
Et surtout des qui savent parfois se retenir de faire n’importe quoi, de pas se
prendre pour ce qu’ils ne sont pas. Si c’est au-dessus de leurs moyens, elle
aura droit à un rapatriement sanitaire en urgence, là les politiques vont se
bouger le cul, crois-moi, histoire de récupérer quelques lauriers… Et ça, ça
sera le boulot de ton collègue, de les faire se remuer le croupion.
-
Bon,
et les autres crevures, il va y avoir une enquête, ils vont être
poursuivis ?
-
Enquête,
il va y avoir mais faut pas rêver, ces fiotes vont rester bien tranquilles
derrière la frontière s’ils ne sont pas déjà passés en Algérie ou au Maroc. Ça
m’étonnerait que Donno n’envoie pas quelques éclaireurs sur place, histoire de
ramasser des indices. Mais pas question d’envoyer des soldats en uniforme pour
se mettre un incident diplomatique sur le dos. Bon, on en reparlera plus tard,
on arrive à Gundaria.
De
fait, nous revenons dans la caserne où nous avions dormi la nuit précédente. Le
repas est vite expédié, je mange en tête à tête avec Paréguy et il me tarde de
me mettre au plume. Mais il y a quand même quelque chose qui me taraude et je
tiens à lui en parler :
-
Je
ne crois pas que je vais pouvoir rester au Gondo plusieurs jours. J’aimerais
bien que quelqu’un de, disons… bien informé, puisse me tenir au courant pour ce
qui est d’une éventuelle enquête.
-
Yes,
sir ! Si j’ai dit qu’on en reparlerait plus tard, c’était pour en reparler
en tête à tête et pas devant le chauffeur du camion. Donc, juste ceci : tu
me laisse ton adresse en France et peut-être je t’enverrai un message, le style
anonyme, je ne peux pas me mouiller et surtout pas mouiller Donno. Restons
discrets, c’est tout ce que je peux te dire. Allons, Jacques, au plume maintenant, il y a encore de la route à faire
demain et la voiture est repartie, ça sera encore du tape-cul dans la
Jeep ! Bonne nuit.
(à suivre...)
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