J’ai fait
un rêve absurde… je vivais dans une ville, une ville agréable avec de grandes
et belles avenues, de vastes places agrémentées de parcs, de jolies rues avec
des maisons pimpantes, des venelles typiques et des passages mystérieux. Puis,
autour de la ville, il y avait des faubourgs et des banlieues laborieuses qui
donnaient sur une campagne riante avec des chemins de traverse.
Cette
ville avec son arrière-pays, c’était ma langue française, la nôtre, avec sa
grande syntaxe, sa grammaire touffue, ses mots pittoresques et son orthographe
complexe. Puis, dans les alentours, le jargon de nos métiers et l’argot
populaire. Enfin, les patois des pays et, plus loin encore, les travers bénins
de notre parler quotidien. J’étais dans la patrie d’Albert Camus, notre langue
française.
Et,
toujours dans le même rêve, je vis alors arriver le cauchemar. Je vis venir la
langue de la toile, cette langue tapée sur des claviers borgnes et sans âme. Je
me voyais parcourir les mêmes avenues défoncées d’une syntaxe fracassée, dans de vastes places remplies d’immondices
de la grammaire oubliée, dans des rues aux façades douteuses de mots incompris
et dans des passages souillés des déchets d’une orthographe perdue. Autour de
la ville nulle ordure n’était plus ramassée et un sabir douteux souillait le
pavé luisant de graisse. Des hordes barbares avaient-elles soudain envahi ma
patrie ?
Non, les
barbares étaient de notre race, se croyaient de notre patrie et de notre
langue…Je me sentais devenu un étranger dans ma patrie.
Vous
voyez bien, c’était vraiment un rêve absurde.
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