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jeudi 2 juillet 2015

Le cabot de Fortunio (52)

-          Monsieur Gheusy, vous resterez à côté du colonel Donno. Vous devez voir ce qui se passe, n’intervenez en aucun cas, ne criez pas et ne gesticulez pas. Jacques, ça va être à toi de jouer…
-          C’est à moi que vous parlez ? dis-je en tremblant.
-          Tu t’appelles pas plus Jacques que moi Paréguy mais ici tu seras Jacques. Alors je te fais le topo : ces salopards ont très bien choisi l’endroit car ils peuvent disparaître en moins de deux, il suffit qu’ils dévalent la dune de l’autre côté ; de plus, ils nous surplombent suffisamment pour nous dominer, tout au moins du regard ; par contre, à cette heure-ci, ils ont encore le soleil en face donc il ne faut pas faire de gestes inconsidérés, ils pourraient mal interpréter la chose. Maintenant, regarde bien : tu vois ce fanion à peu près à mi-chemin entre eux et nous ?
-          Oui, dis-je.
-          La frontière passe à cet endroit. Il y en a d’autres bien plus loin mais c’est celui-ci qui nous intéresse. Tu vas devoir aller avec ta valise jusqu’au fanion, tu déposeras la valise au pied du fanion… elle n’est pas fermée à clé, au moins ?
-          Si, bien sûr.
-          Ouvre-moi ça tout de suite, tu laisses les clés attachées à la poignée. Il faut que le gars puisse vérifier rapidement le contenu, là-haut.
-          Bien, dis-je en obtempérant.
-          Donc, tu arrives au fanion et tu déposes la valise tranquillement. Puis tu recules de cinquante pas et tu attends. Un gus va descendre avec l’otage qui restera à cinquante pas aussi. Le gus descendra seul jusqu’à la valise, il vérifiera le contenu. Quand il aura rejoint l’otage, il la libérera et il devra la laisser descendre vers toi. Si jamais quelque chose se passe différemment, tu te couches au sol et tu laisses faire, tu attends mes ordres. Pas question que l’on reparte sans l’otage mais toi, tu ne fais que ce que je t’ai dit. Capito ?
-          Oui, capitaine.
-          Bon, tu vas aller derrière le camion, là, on va te donner un gilet pare-balles et surtout tu le mets. Exécution.
J’obéis, maintenant je me sens calme et déterminé. Je reviens vers Paréguy qui m’attrape solidement à l’épaule.
-          Mon gars, maintenant, c’est à toi. Donno a un cellulaire, il va appeler la France qui lui donnera le contact pour appeler les ravisseurs. C’est lui qui me donnera le signal. Détends-toi, on en a pour deux ou trois minutes.
Je commence à crever de chaud sous le gilet, nous attendons. Je regarde Donno, Gheusy est à côté de lui, l’air livide. Donno fait signe avec l’index droit, il compose un numéro, parle brièvement, fait signe avec l’index et le majeur comme pour dire deux puis il rajoute le pouce en levant le bras.
-          Jacques, en avant, me dit Paréguy en lâchant mon épaule avec une légère poussée.

J’ai un bon kilomètre à faire dans ce sable brûlant. Mes godasses ne sont pas ce qu’il y a de mieux pour ce genre de marche mais je me sens d’un coup remonté à bloc, dur comme du béton et tendu vers mon objectif. Je modère mon pas, histoire de garder mes forces et mon souffle. J’ai sur la tête un chapeau d’éclaireur en toile kaki et avec mes lunettes de soleil je dois avoir une gueule de baroudeur du dimanche. Je vise le fanion et j’avance.
(à suivre...)

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