-
Monsieur Gheusy, vous resterez à côté du colonel Donno.
Vous devez voir ce qui se passe, n’intervenez en aucun cas, ne criez pas et ne
gesticulez pas. Jacques, ça va être à toi de jouer…
-
C’est à moi que vous parlez ? dis-je en
tremblant.
-
Tu t’appelles pas plus Jacques que moi Paréguy mais
ici tu seras Jacques. Alors je te fais le topo : ces salopards ont très
bien choisi l’endroit car ils peuvent disparaître en moins de deux, il suffit
qu’ils dévalent la dune de l’autre côté ; de plus, ils nous surplombent
suffisamment pour nous dominer, tout au moins du regard ; par contre, à
cette heure-ci, ils ont encore le soleil en face donc il ne faut pas faire de
gestes inconsidérés, ils pourraient mal interpréter la chose. Maintenant,
regarde bien : tu vois ce fanion à peu près à mi-chemin entre eux et
nous ?
-
Oui, dis-je.
-
La frontière passe à cet endroit. Il y en a d’autres
bien plus loin mais c’est celui-ci qui nous intéresse. Tu vas devoir aller avec
ta valise jusqu’au fanion, tu déposeras la valise au pied du fanion… elle n’est
pas fermée à clé, au moins ?
-
Si, bien sûr.
-
Ouvre-moi ça tout de suite, tu laisses les clés
attachées à la poignée. Il faut que le gars puisse vérifier rapidement le
contenu, là-haut.
-
Bien, dis-je en obtempérant.
-
Donc, tu arrives au fanion et tu déposes la valise
tranquillement. Puis tu recules de cinquante pas et tu attends. Un gus va
descendre avec l’otage qui restera à cinquante pas aussi. Le gus descendra seul
jusqu’à la valise, il vérifiera le contenu. Quand il aura rejoint l’otage, il
la libérera et il devra la laisser descendre vers toi. Si jamais quelque chose
se passe différemment, tu te couches au sol et tu laisses faire, tu attends mes
ordres. Pas question que l’on reparte sans l’otage mais toi, tu ne fais que ce
que je t’ai dit. Capito ?
-
Oui, capitaine.
-
Bon, tu vas aller derrière le camion, là, on va te
donner un gilet pare-balles et surtout tu le mets. Exécution.
J’obéis,
maintenant je me sens calme et déterminé. Je reviens vers Paréguy qui m’attrape
solidement à l’épaule.
-
Mon gars, maintenant, c’est à toi. Donno a un
cellulaire, il va appeler la France qui lui donnera le contact pour appeler les
ravisseurs. C’est lui qui me donnera le signal. Détends-toi, on en a pour deux
ou trois minutes.
Je commence à
crever de chaud sous le gilet, nous attendons. Je regarde Donno, Gheusy est à
côté de lui, l’air livide. Donno fait signe avec l’index droit, il compose un
numéro, parle brièvement, fait signe avec l’index et le majeur comme pour dire
deux puis il rajoute le pouce en levant le bras.
-
Jacques, en avant, me dit Paréguy en lâchant mon
épaule avec une légère poussée.
J’ai un bon kilomètre à faire dans ce sable brûlant. Mes godasses ne sont pas ce qu’il y a de mieux pour ce genre de marche mais je me sens d’un coup remonté à bloc, dur comme du béton et tendu vers mon objectif. Je modère mon pas, histoire de garder mes forces et mon souffle. J’ai sur la tête un chapeau d’éclaireur en toile kaki et avec mes lunettes de soleil je dois avoir une gueule de baroudeur du dimanche. Je vise le fanion et j’avance.
(à suivre...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire