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jeudi 6 août 2015

Le cabot de Fortunio (57)

IV. Assieds-toi au bord de l’oued…
Nous arrivons à Blagnac en fin d’après-midi. Un taxi nous attend et je me fais déposer à Matabiau. Je vais au buffet de la gare commander un JBC[1] avec un demi et j’essaye d’appeler François. Répondeur. Je laisse un message signalant que j’ai rejoint la ville rose et s’il ne m’appelle pas, je prends le train dans une heure pour revenir chez moi. J’achète Liberté, le quotidien du peuple des nantis de gauche et le Parico, journal de l’élite des nantis de droite, et je les feuillette rapidement. Aucune nouvelle mais ce sont les éditions du week-end.
François ne rappelle pas et, avant de monter dans le train, j’appelle Méva pour négocier le rapatriement de ma Flèche. Autant dire que c’est lui qui mène la négociation et que je me vois donc contraint de récupérer mon chien ce soir, de prendre un souper avec la sympathique famille Méva et de coucher sur place pour éviter tout danger sur la route.
Cela me fait du bien de me retrouver dans une ambiance chaleureuse et de reprendre contact avec Flèche qui me fait la fête. Pour elle, chez Méva, c’est pas mal mais ça ne vaut pas sa vraie gamelle et son vrai patron, on le sent bien. Ce qui me fait aussi du bien, c’est de raconter mon histoire.
-          Mon bel Albert, déclare Méva, j’en ai déjà entendu de vertes et de pas mûres mais là, si un autre me que toi me racontait une histoire pareille, je ne la croirais pas.
-          J’ai déjà bien du mal à y croire moi-même, lui dis-je en guise de conclusion.
*
Le lendemain matin, mes gars sont surpris de me voir déjà de retour. J’aimerais bien leur raconter mes aventures mais on n’est pas là pour s’amuser… et puis, pour moi, cette affaire n’est pas terminée. Je quitte le chantier vers onze heures pour donner des coups de fil tranquillement. Bien sûr, je suis encore au volant quand François en profite pour m’appeler.
-          Fortunio ! Tu vas bien ? demande-t-il. Et il enchaîne sans attendre de réponse : Ecoute-moi, je suis à Paris, tu as le temps de m’écouter ?
-          Oui, je viens de me garer. Dépêche-toi de me dire comment va Eliane.
-          Disons, état stationnaire, en bref : le chirurgien a extrait une balle près du poumon mais il y en a une autre et celle-là, il y a des risques. Apparemment, ça, c’est la première balle qu’elle a prise, elle est plantée juste à côté de la colonne vertébrale… alors tu comprends pourquoi il hésite à l’enlever. Il y a un risque, un très gros risque !
-          Et elle est dans le coma ?
-          Oui, un coma artificiel…
-          Et il attend quoi, le chirurgien ?
-          Des examens complémentaires, c’est, paraît-il, extrêmement risqué : soit elle ne se réveille pas, soit elle peut se réveiller paralysée… il y a peu de chances que tout se passe bien, c’est-à-dire qu’elle puisse remarcher, tu comprends ?
-          Il faut voir un autre chirurgien, on a déjà dépensé du fric pour la sortir de là et on fera ce qu’il faut pour qu’elle s’en sorte…
-          Attention, Fortunio, ce n’est plus une question de fric, crois-moi, on a affaire à une grosse pointure, ce Stalle est un crack mais il a besoin d’examens complémentaires et d’avis compétents. Tu sais, la chirurgie, c’est pas de la maçonnerie ou de la mécanique, excuse-moi du peu…
-          Bon, tu as sans doute raison. Et on peut la voir, là-bas ?
-          Tu viendrais à Paris ?
-          Je veux, mon n’veu. Avec ce que tu me dis…
-          Oui. Tu viendrais quand ?
-          Si tu me dis que je peux la voir aujourd’hui, je fonce !
-          Attends, je te propose un truc : tu vas prendre le train de nuit à Cahors, Montauban ou Toulouse et demain tu viens à l’hosto, je serai encore sur place.
-          Et l’hosto, il est où ?
-          Val de Grâce, tu trouveras facilement. Passe-moi un coup de fil tout à l’heure, quand tu connaîtras ton heure d’arrivée. Je viendrai te chercher à la gare et on prendra le métro.




[1] Acronyme de Jambon/Beurre/Cornichons.
(à suivre...)

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