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jeudi 27 août 2015

Le cabot de Fortunio (60)

Parti à minuit, la route et le temps de quelques arrêts aussi bénéfiques tant pour le chien que pour moi, un solide petit déjeuner et je trouve à me garer Boulevard de Port-Royal. C’est pas trop loin et c’est à l’ombre. Je laisse donc mon coursier et mon chien sur place. Je me dirige vers l’hosto en appelant Bonnefoi. Il vient d’arriver sur le parking et nous nous y retrouvons. L’atmosphère est un peu particulière dans cet hosto mais on est pas venu pour l’ambiance.
 On nous fait entrer dans la chambre et j’ai un choc en la voyant, livide, tubée, immobile, les deux mains blêmes sur le drap. Il me vient à l’esprit ce poème de jeunesse de Rimbaud : « La blanche Ophélia flotte comme un grand lys / Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles. »
Je suis là, pétrifié, je voudrais pleurer, je voudrais crier, rien ne sort de moi. Combien de temps sommes-nous dans cette chambre ? Je n’en sais rien. Finalement ce sont des infirmières qui, venant  pour des soins, nous font sortir. Dans le couloir, je prends François par la manche :
-          Y’a un endroit où on peut causer par-là ? lui soufflé-je.
-          Viens, il y a un bistro pas trop loin, ça nous fera prendre l’air.
Nous y allons en silence. Il fait un peu frais mais nous choisissons de nous installer en terrasse. Nous commandons deux grands noirs et c’est François qui attaque :
-          Ça fait un choc, non ?
-          Comme tu dis… Bon, alors, les toubibs, ils disent quoi ?
-          Le professeur Stalle a déjà extrait une balle mais, je te l’ai dit, pour l’autre c’est très, très délicat. Donc, il attend d’avoir des examens complémentaires et des avis compétents. Juste à côté de la colonne, c’est pas de la tarte et, crois-moi, je suis sûr et certain qu’il fera tout ce qu’il faut pour la sauver… mais pour la sauver vraiment, si tu vois ce que je veux dire ! Et ce professeur Stalle, on me l’a confirmé de partout, c’est quelqu’un, c’est du costaud.
-          Oui, je vois, je vois… mais j’enrage de la voir comme ça. En tout cas, je comprends bien une chose, c’est que je ne peux rien faire.
-          Ecoute-moi, c’est pas une question de moyens, inutile de croire qu’avec du pognon on va trouver un meilleur chirurgien. Maintenant, il faut attendre. Eliane sera peut-être transférée ailleurs s’il le faut, si c’est nécessaire, mais toujours sur la région parisienne. Tout ce qu’on peut faire, c’est ce qu’on vient de faire, venir la voir. Tu sais, on peut parler à quelqu’un qui est dans le coma. On ne sait pas si la personne entend ou n’entend pas mais moi je crois que ça sert à quelque chose. Rien que pour lui donner le courage de tenir, de tenir encore. Je te jure…
-          Tu as raison. Mais là, tout à l’heure, j’étais tétanisé. J’ai besoin de me reprendre, je reviendrai en début d’après-midi…

-          Tu sais ce qu’on va faire ? Tu vas aller faire un petit tour au jardin du Luxembourg du temps que je règle encore des formalités. On se retrouve là-bas et on va manger un morceau. Après, tu reviendras voir Eliane. On fait comme ça ?
(à suivre...)

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