Pastiche...
C'était à Neuilly, faubourg de Paris, dans les jardins du Sâr Cossy. Les députés qu'il avait commandés au long de son quinquennat se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la défaite de 2012, et comme le maître était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. Les élus, portant des écharpes tricolores, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des garages jusqu'à la première terrasse de la résidence ; le commun des électeurs était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de vélums avec des victuailles de toutes sortes, des fosses pour des gauchistes féroces, une prison pour les centristes indépendants. Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins : un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons, se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts. La résidence, bâtie aux frais de la princesse, en marbre chinois tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois de cheik, portant aux angles de chaque marche l’étendard des circonscription perdues, avec ses portes rouges écartelées d'une croix de Lorraine, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des morpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, elle semblait aux élus, dans son opulence farouche, aussi solennelle et impénétrable que le visage du Sâr. Le Conseil du parti républicain leur avait désigné sa maison pour y tenir ce festin ; les élus battus qui couchaient dans le carreau du temple, se mettant en marche dès l'aurore, s'y étaient traînés avec leurs casseroles. A chaque minute, d'autres arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un lac. On voyait entre les arbres courir les serveurs du Fourquet’s, effarés et à demi nus ; les secrétaires sur les pelouses s'enfuyaient en bêlant ; le soleil se couchait, et le parfum des citronniers rendait encore plus lourde l'exhalaison de cette foule en sueur. Il y avait là des hommes de toutes les régions, des Normands, des Bretons, des Alsaciens, des Lorrains, des Gascons et des transfuges du parti socialiste. On entendait, à côté du lourd patois languedocien, retentir les syllabes celtiques bruissant comme des chars de bataille, et les terminaisons alsaciennes se heurtaient aux consonnes de l’Auvergne, âpres comme des cris de chacal. Le Limousin se reconnaissait à sa taille mince, le Lorrain à ses épaules remontées, le Cantalou à ses larges mollets. Des parisiens balançaient orgueilleusement les plumes de leur casque, des policiers marseillais s'étaient peints avec des jus d'herbes de larges fleurs sur le corps, et quelques Lyonnais portant des robes de femmes dînaient en pantoufles et avec des boucles d'oreilles. D'autres, qui s'étaient par pompe barbouillés de vermillon, ressemblaient à des statues de corail. Ils s'allongeaient sur les coussins, ils mangeaient accroupis autour de grands plateaux, ou bien, couchés sur le ventre, ils tiraient à eux les morceaux de viande, et se rassasiaient appuyés sur les coudes, dans la pose pacifique des lions lorsqu'ils dépècent leur proie. Les derniers venus, debout contre les arbres, regardaient les tables basses disparaissant à moitié sous des tapis d'écarlate, et attendaient leur tour. Les cuisines du Sâr Cossy n'étant pas suffisantes, le Conseil du parti leur avait envoyé des emplois fictifs, des valises de billets, des enveloppes et du caviar de gauche ; et l'on voyait au milieu du jardin, comme dans un bureau de vote quand on brûle les bulletins, de grands feux clairs où rôtissaient des bœufs. Les pains saupoudrés d'anis alternaient avec les gros fromages d’Auvergne et du Jura, et les flûtes pleines de champagne, et les cruches pleines d'eau auprès des corbeilles en filigrane d'or qui contenaient des fleurs. La joie de pouvoir enfin se gorger à l'aise dilatait tous les yeux çà et là, les chansons commençaient : on aura laissé les socialos se goinfrer pendant cinq ans et après on s’y remettra à bouchées doubles pendant cinq années de plus, en 2017. C’est ce que l’on appelait les lustres de la république.
C'était à Neuilly, faubourg de Paris, dans les jardins du Sâr Cossy. Les députés qu'il avait commandés au long de son quinquennat se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la défaite de 2012, et comme le maître était absent et qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. Les élus, portant des écharpes tricolores, s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des garages jusqu'à la première terrasse de la résidence ; le commun des électeurs était répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de vélums avec des victuailles de toutes sortes, des fosses pour des gauchistes féroces, une prison pour les centristes indépendants. Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers ; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins : un champ de roses s'épanouissait sous des platanes ; de place en place sur des gazons, se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts. La résidence, bâtie aux frais de la princesse, en marbre chinois tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois de cheik, portant aux angles de chaque marche l’étendard des circonscription perdues, avec ses portes rouges écartelées d'une croix de Lorraine, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des morpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, elle semblait aux élus, dans son opulence farouche, aussi solennelle et impénétrable que le visage du Sâr. Le Conseil du parti républicain leur avait désigné sa maison pour y tenir ce festin ; les élus battus qui couchaient dans le carreau du temple, se mettant en marche dès l'aurore, s'y étaient traînés avec leurs casseroles. A chaque minute, d'autres arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un lac. On voyait entre les arbres courir les serveurs du Fourquet’s, effarés et à demi nus ; les secrétaires sur les pelouses s'enfuyaient en bêlant ; le soleil se couchait, et le parfum des citronniers rendait encore plus lourde l'exhalaison de cette foule en sueur. Il y avait là des hommes de toutes les régions, des Normands, des Bretons, des Alsaciens, des Lorrains, des Gascons et des transfuges du parti socialiste. On entendait, à côté du lourd patois languedocien, retentir les syllabes celtiques bruissant comme des chars de bataille, et les terminaisons alsaciennes se heurtaient aux consonnes de l’Auvergne, âpres comme des cris de chacal. Le Limousin se reconnaissait à sa taille mince, le Lorrain à ses épaules remontées, le Cantalou à ses larges mollets. Des parisiens balançaient orgueilleusement les plumes de leur casque, des policiers marseillais s'étaient peints avec des jus d'herbes de larges fleurs sur le corps, et quelques Lyonnais portant des robes de femmes dînaient en pantoufles et avec des boucles d'oreilles. D'autres, qui s'étaient par pompe barbouillés de vermillon, ressemblaient à des statues de corail. Ils s'allongeaient sur les coussins, ils mangeaient accroupis autour de grands plateaux, ou bien, couchés sur le ventre, ils tiraient à eux les morceaux de viande, et se rassasiaient appuyés sur les coudes, dans la pose pacifique des lions lorsqu'ils dépècent leur proie. Les derniers venus, debout contre les arbres, regardaient les tables basses disparaissant à moitié sous des tapis d'écarlate, et attendaient leur tour. Les cuisines du Sâr Cossy n'étant pas suffisantes, le Conseil du parti leur avait envoyé des emplois fictifs, des valises de billets, des enveloppes et du caviar de gauche ; et l'on voyait au milieu du jardin, comme dans un bureau de vote quand on brûle les bulletins, de grands feux clairs où rôtissaient des bœufs. Les pains saupoudrés d'anis alternaient avec les gros fromages d’Auvergne et du Jura, et les flûtes pleines de champagne, et les cruches pleines d'eau auprès des corbeilles en filigrane d'or qui contenaient des fleurs. La joie de pouvoir enfin se gorger à l'aise dilatait tous les yeux çà et là, les chansons commençaient : on aura laissé les socialos se goinfrer pendant cinq ans et après on s’y remettra à bouchées doubles pendant cinq années de plus, en 2017. C’est ce que l’on appelait les lustres de la république.
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