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dimanche 20 décembre 2015

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (14)

La guerre contre le chômage est la priorité de nos hommes politiques, qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou de quelque extrême. Mais la lutte contre le chômage est-elle concomitante et complémentaire avec la lutte pour l’emploi ? Dans l’affirmative, on pourrait donc considérer l’emploi comme un allié pour qui ferait la guerre au chômage.
Mais, comme aurait pu le dire Joseph Staline : l’emploi, combien de divisions ? Car l’emploi, c’est bien quelque chose d’aussi singulier qu’un pape dans son Vatican. En effet, les vraies divisions du pape ne sont point dans les états pontificaux mais éparpillées dans un grand nombre de pays. Il en est de même pour l’emploi : qui a déjà vu l’emploi ? Un emploi, peut-être, des emplois aussi. Mais l’Emploi avec un grand E ? Qui nous dira qu’il l’a vu se battant contre le chômage ?
En outre, il ne faut pas confondre emploi et travail. Comme le disait très judicieusement Jean Amadou, nous sommes dans un pays où quelqu’un qui cherche un emploi ne cherche pas forcément du travail. Cela veut bien dire que c’est l’emploi qui lutte contre le chômage alors que le travail ne sert à rien dans la lutte contre le chômage, on voit bien par ailleurs bon nombre de salariés qui, luttant efficacement contre le travail, luttent de ce fait aussi contre le chômage. Enfin, ou inversement…
Dans cette guerre contre le chômage, il ne manque pas de maréchaux, de généraux, de colonels et officiers subalternes puisés dans le vivier des hommes politiques, des fonctionnaires et des bénévoles associatifs. Il y a même une agence pour l’emploi qui permet de donner de l’emploi à des gens qui autrement n’auraient peut-être su trouver à se faire employer alors que là, ils créent des statistiques, lustrent des sièges de bureau, bouchonnent devant les machines à café et brillent devant les photocopieuses. Car la photocopieuse est à la guerre contre l’emploi ce que le bouton de guêtre est à la guerre franco-allemande : une seule photocopieuse nous manque et tout est dépeuplé car une photocopieuse rapide, en couleur et placée au bon endroit permet de faire reculer le chômage dans ses retranchements. Voyez-le trembler lorsqu’on le bombarde de chiffres, de tableaux et de diagrammes. Bien sûr, ce sont des victoires à la Pyrrhus car si le chômage perd des batailles, il ne perd jamais la guerre. Mais ô combien d’élus, combien de fonctionnaires sont partis confiants et revenus déconfits mais fiers, ils recevront les galons et les décorations qu’ils ont bien mérités pour leur bravoure et leur haute stature. Le chômage n’aura point reculé mais ils auront gagné leur retraite, cédant à leurs successeurs leurs sabres de bois pour terrasser le dragon tandis qu’ils sillonneront les routes en 4x4 et en camping-cars, modernes ulysses et pénélopes futuristes, auréolés de combats dans des décors de carton-pâte.
Ah, l’emploi ! Tarte à la crème des politiciens, marronnier des journalistes et patate chaude de l’administration : plus on en crée, moins on travaille et moins on travaille plus le nombre de salariés fatigués augmente et plus le nombre de fatigués augmente, plus les syndicats s’agitent. Et quand les syndicats s’agitent, ils fêtent le travail en chômant… mais alors, mais alors, Dimitri, si les syndicats sont les alliés du chômage, où allons-nous ?

Dernière inquiétude : étymologiquement, le mot chômage viendrait du grec ancien καυμα qui signifie « se reposer pendant la chaleur ». Le réchauffement climatique est donc bien un allié du chômage et on voit par-là que la politique a encore de l’avenir.

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