La guerre contre le chômage est la priorité de nos hommes politiques,
qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou de quelque extrême. Mais la
lutte contre le chômage est-elle concomitante et complémentaire avec la lutte
pour l’emploi ? Dans l’affirmative, on pourrait donc considérer l’emploi
comme un allié pour qui ferait la guerre au chômage.
Mais, comme aurait pu le dire Joseph
Staline : l’emploi, combien de divisions ? Car l’emploi, c’est bien
quelque chose d’aussi singulier qu’un pape dans son Vatican. En effet, les
vraies divisions du pape ne sont point dans les états pontificaux mais éparpillées
dans un grand nombre de pays. Il en est de même pour l’emploi : qui a déjà
vu l’emploi ? Un emploi, peut-être, des emplois aussi. Mais l’Emploi avec
un grand E ? Qui nous dira qu’il l’a vu se battant contre le chômage
?
En outre, il ne faut pas confondre emploi
et travail. Comme le disait très judicieusement Jean Amadou, nous sommes dans
un pays où quelqu’un qui cherche un emploi ne cherche pas forcément du travail.
Cela veut bien dire que c’est l’emploi qui lutte contre le chômage alors que le
travail ne sert à rien dans la lutte contre le chômage, on voit bien par
ailleurs bon nombre de salariés qui, luttant efficacement contre le travail,
luttent de ce fait aussi contre le chômage. Enfin, ou inversement…
Dans cette guerre contre le chômage, il ne
manque pas de maréchaux, de généraux, de colonels et officiers subalternes
puisés dans le vivier des hommes politiques, des fonctionnaires et des
bénévoles associatifs. Il y a même une agence pour l’emploi qui permet de
donner de l’emploi à des gens qui autrement n’auraient peut-être su trouver à
se faire employer alors que là, ils créent des statistiques, lustrent des
sièges de bureau, bouchonnent devant les machines à café et brillent devant les
photocopieuses. Car la photocopieuse est à la guerre contre l’emploi ce que le
bouton de guêtre est à la guerre franco-allemande : une seule
photocopieuse nous manque et tout est dépeuplé car une photocopieuse rapide, en
couleur et placée au bon endroit permet de faire reculer le chômage dans ses
retranchements. Voyez-le trembler lorsqu’on le bombarde de chiffres, de
tableaux et de diagrammes. Bien sûr, ce sont des victoires à la Pyrrhus car si
le chômage perd des batailles, il ne perd jamais la guerre. Mais ô combien
d’élus, combien de fonctionnaires sont partis confiants et revenus déconfits
mais fiers, ils recevront les galons et les décorations qu’ils ont bien mérités
pour leur bravoure et leur haute stature. Le chômage n’aura point reculé mais
ils auront gagné leur retraite, cédant à leurs successeurs leurs sabres de bois
pour terrasser le dragon tandis qu’ils sillonneront les routes en 4x4 et en
camping-cars, modernes ulysses et pénélopes futuristes, auréolés de combats
dans des décors de carton-pâte.
Ah, l’emploi ! Tarte à la crème des
politiciens, marronnier des journalistes et patate chaude de
l’administration : plus on en crée, moins on travaille et moins on
travaille plus le nombre de salariés fatigués augmente et plus le nombre de
fatigués augmente, plus les syndicats s’agitent. Et quand les syndicats s’agitent,
ils fêtent le travail en chômant… mais alors, mais alors, Dimitri, si les
syndicats sont les alliés du chômage, où allons-nous ?
Dernière inquiétude :
étymologiquement, le mot chômage viendrait du grec ancien καυμα qui signifie « se reposer pendant la
chaleur ». Le réchauffement climatique est donc bien un allié du chômage
et on voit par-là que la politique a encore de l’avenir.
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