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C’est moi qui régale mais tu me racontes
d’abord, en gros, l’histoire de la bande à Latik…
-
Ouais, mais j’les connais, au Brelan, si y’a
personne, y sont cap’ de baisser le rideau…
-
T’ as raison, c’est pour ça que tu vas me
raconter, fissa et en gros, ton histoire. Le résumé me suffit mais en vitesse,
j’ai pas confiance au cas où tu deviendrais muet avec une clope au bec…
-
Ooooh oh, tu voudrais pas tout savoir et rien
payer, toi ?
-
Je t’ai dit, raconte et on ira se jeter un
godet. A force d’hésiter, c’est vrai que le bistro va fermer, c’est dommage,
j’ai pas envie de galoper ailleurs.
Willy
dodeline un peu du chef. Puis il se lance en essayant de faire rapide. Il a
servi de chauffeur et de cuistot dans l’équipe sanglante de Latik. Il y était,
sur la dune, là-bas, mais bien planqué. C’est pas lui qui a tiré, il le jure.
Et il croyait que la gonzesse, Eliane qu’elle s’appelait, une chouette fille
soit dit en passant, il croyait pas qu’elle soit morte. Bon, enfin, ils sont
repartis, Lefett, celui qui a été chercher la valise, a été touché, on croyait
que c’était pas trop grave mais lui aussi, il y est passé, bon, c’était un peu
un fumier ce gars, mais la gonzesse, merde alors… Et mon Willy qui se fout à
chialer. Je le prends par l’épaule, il me regarde.
-
Bon, dis-je, et Latik, il est passé où ?
-
Ben, Latik, il était dans l’autre Jeep avec
Lefett et Alouari. Moi et Bak on filait avec l’autre, le plus vite possible
vers la Mauritanie. On avait rendez-vous à El Baïda, on est arrivés les
premiers et quand l’autre Jeep est arrivée, y’avait plus Lefett mais j’en sais
pas plus, on est repartis à quatre, on a roulé encore pendant des heures, on
est arrivés dans une bourgade, je crois qu’on était au Maroc, y’avait un petit
aérodrome, un gars avec un vieux coucou nous a emmenés dans le nord de
l’Espagne. Avec Alouari, on a volé une caisse, on a passé la frontière et on a
lâché la tire à Bordeaux, on a pris le train tous les trois, Latik a dit qu’il
nous rejoindrait plus tard. Et il est pas encore revenu. C’est lui qu’a le
fric, bien sûr.
-
Mais à Arcueil, c’est chez Alouari, dis-je.
-
Ouais mais c’est leur quartier général. Latik va
plus chez lui, au cas où… bon mais, on y va acheter des clopes ? Ah, ça
m’fait du mal de penser à c’te môme Eliane, merde quoi, on devait simplement la
relâcher. Mais Latik, au dernier moment, il a dit qu’elle allait parler, qu’il
fallait pas la laisser revenir vivante, merde, merde, le con…
-
Allons, lève-toi et marche, on va aller voir si
on trouve à fumer.
Il se lève et part d’un bon pas, j’ai presque du mal à le rattraper. Le
chagrin lui passe vite à lui. Au bistro, je négocie deux doubles whiskies et
deux paquets de Pinston. Willy rouspète que ce n’est pas sa marque mais je lui
dis que c’est à prendre ou à laisser car, en moi-même, je me suis rappelé que
c’est la marque que fume Eliane. Je lui offre une tige et, après avoir réglé,
nous nous asseyons sur la terrasse. Le whiskard rend Willy encore plus loquace.
J’apprends donc un tas de choses : il a connu Edkès quand ce dernier
donnait des concerts. Willy lui servait de chauffeur, de factotum et de
souffre-douleur. Mais il payait bien et on se marrait, sans compter les
gonzesses qui tombaient comme des mouches. Puis, après deux CD, sa cote est
retombée. Latik n’arrivait pas à se renouveler. Pour Willy, c’était carrément
de la merde depuis le début. Mais de la merde qui se vend et qui attire les
foules, pourquoi pas ?
(à suivre...)
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