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jeudi 31 décembre 2015

Le cabot de Fortunio (78)

-          Tu comprends, au niveau musique, il connait rien, Latik, c’est toujours la même ritournelle. Question paroles, sorti de : « la société, la société, nique ce que tu veux, nique ta société, nique tes keufs, nique machin, la société, la société… », il avait rien de plus comme paroles. Juste bon à attirer les filles en chaleur et les p’tits beurs qu’ont que d’la purée dans la tête. On disait qu’il enflammait les cités, bofff… Mais le fait est que les médias en bavaient pour lui, le genre : « Ah que c’est beau, ça c’est les nouveaux rebelles  ça c’est la révolte ! » Rebelle mon cul, oui, le Latik il pensait qu’à s’en mettre plein les fouilles, il se marrait de voir les bobos et les gauchos, les journaux, Liberté, Télémarla et les Improductibles se pâmer en causant de lui. Bon, le vent n’a pas vraiment tourné mais y’avait plus de concerts, pas de tournée en vue et Latik incapable de sortir une chanson, sec sec sec… J’ai dû me mettre à trouver des petits boulots, de ci, de là, j’le voyais plus. Il a eu c’t’idée d’enlèvement, il connaissait bien la région, Bak et Alouari aussi. Bak, lui, est de là-bas, il connait la région comme sa poche, je sais pas comment y fait pour s’y retrouver dans le désert. Et Latik, il m’a sifflé, il savait que je sais conduire une Jeep et il avait besoin de moi pour faire la bouffe et s’occuper de la gonzesse. Ah, j’te garantis, j’ai fait ce que j’ai pu pour lui rendre la vie pas trop dure, j’lui filais des clopes, la pauvre, elle avait arrêté et je lui faisais reprendre, mais bon… On était au bout d’un petit village, les gens venaient pas se mêler de nos affaires, y nous prenaient pour des militaires et là-bas, tu sais, les militaires, tu m’as compris… Eliane, la gonzesse, était enfermée dans un ancien poulailler, je te dis pas, il faisait une chaleur à crever… bon enfin. Ça a duré un bout de temps, c’te connerie, les mecs voulaient pas lâcher le fric comme ça, ils mégotaient, ces messieurs-dames, avec l’argent du contribuable…
Je me mordrais presque la langue : l’argent du contribuable, petit con va, me pensé-je… Je crois que ce gars a livré tout ce qu’il a d’intéressant en boutique. Je ne veux pas poser de questions précises, je suis censé en savoir pas mal par mon soi-disant Dunoyer. Une question néanmoins me taraude :
-          Parle-moi d’Eliane, dis-je. Qu’est-ce qu’ils lui ont fait subir ?
-          De quoi tu parles ? Elle était enfermée, c’est vrai que ce poulailler, c’était pas terrible, sinon, garanti qu’elle a rien subi. Les autres ont toujours fait la garde à tour de rôle mais c’est moi qui lui portais à manger, qui lui filais l’eau pour se laver. Et toujours correct, je te dis, quand elle se lavait je me barrais ou je me retournais. Bon, c’était pas bien grand et j’avais pas le droit de la laisser sortir. Quand on l’a sortie pour l’échange, heureusement qu’il faisait encore nuit pasqu’elle a eu un peu de mal à revenir à l’air libre. Bon, les journées devaient être longues pour elle, j’avais rien à lui filer comme lecture et j’avais pas le droit de rester discuter avec elle. Si je restais plus de dix minutes, Bak venait taper sur la porte. Bon, lui, c’est pas le pire mais je craignais plus ce salaud de Lefett. Sûr qu’y voulait s’la baiser mais j’avais très vite parlé à Latik que j’accepterais pas ce genre de connerie. Et pour Latik, un otage, on n’y touche pas, c’est la monnaie d’échange… y’a qu’à la fin des fins qu’il a dérapé, j’aurais dû m’en douter, y s’entraînait avec sa carabine tous les jours. Et faut dire qu’il était pas mauvais…
-          Et l’enlèvement, comment ça s’est passé ?

-          Ah ça ! Moi je suis resté au volant d’une Jeep, à l’extérieur du village. Les autres devaient faire deux otages blancs, un homme et une femme. Mais le mec, un infirmier, était pas là. Ils ont quand même enlevé la gonzesse, Eliane, ça a mal tourné, un noir a voulu la défendre et c’est Lefett qui l’a flingué. Y s’est fait engueuler – après – par Latik pasque ça allait mettre les Gondolais sur les dents. On avait une planque mais il a fallu aller dans un patelin près de la frontière, un vrai trou perdu mais à peu près à l’abri des militaires du Gondo. Par la faute à ce con de Lefett…
(à suivre...)

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