Un bon coup de nationale 20 et j’entre dans la ville du bon maître
d’Arcueil sur un air de tyrolienne turque. Je n’ai pas l’habitude d’une telle
circulation et j’ai un peu de mal à trouver l’impasse Halfon-Sallait. Je me
gare assez loin, inutile de se faire repérer. L’impasse donne dans une artère
importante et très passante. Je fais une première reconnaissance, ça n’est pas
simple de passer innocemment dans une impasse, force est de rebrousser chemin.
Il y a fort heureusement un chantier important dans cette impasse, un immeuble
en construction. Je reviens à ma fourgonnette pour enfiler un bleu de travail
par-dessus mes vêtements. Ainsi habillé, je vais me balader dans l’impasse. Le
18 est une ancienne maison à deux étages, un peu plus loin que le chantier et de
l’autre côté de la rue. En passant, je vois que la fenêtre du rez-de chaussée
est à moitié ouverte. Je vais jusqu’au bout de l’impasse où je fais semblant de
ramasser et de mettre en poche quelque chose puis je reviens vers le chantier.
J’écarte une barrière et je pénètre tranquillement dans le chantier. Deux
ouvriers sont en train de poser des croisées, ils répondent distraitement à mon
salut. L’immeuble fait six étages, j’arrive au pied de l’escalier et me rends
directement au second. Il n’y a personne et ça me convient bien car l’endroit
est parfait pour observer le 18.
Je reste un bout de temps sur place, vers cinq heures, j’entends partir
les deux ouvriers que j’avais croisés en entrant. Je reste encore une heure
puis, comme rien ne bouge, je redescends et quitte les lieux. Je vais devoir
trouver une solution pour promener mon chien et pour passer la nuit. Le long de
la nationale, il y a un chinois où j’envisage d’aller manger et, bien qu’il
soit trop tôt, j’entre. Un solide chinois à la carrure de rugbyman me toise
avec un sourire ironique. Je lui demande si je pourrai manger ce soir, il me
répond qu’il est là pour ça mais que je revienne plus tard si je ne veux pas
finir en raviolis. Comme ce n’est pas dans mes intentions, je le rassure à ce
sujet mais je lui demande s’il me connaîtrait un hôtel dans mes cordes. Il
m’envoie à un hôtel dans une rue adjacente en me promettant de me garder une
table. L’hôtel en question, c’est le genre qui a vu des jours meilleurs mais il
y a quelques décennies. Je suis reçu par un pépère moustachu qui a lui aussi
pris de la bouteille et de la culotte. Il me bredouille d’un air méprisant qu’à
cette heure… Il me conseille néanmoins d’aller me faire voir dans un truc, un
chose, enfin faut descendre la rue jusqu’à la ligne puis à droite, enfin je
trouverai quoi. Je sors de là, je vais chercher mon chien et nous descendons de
conserve jusqu’à ce qu’il appelle la ligne, en fait c’est une butte de quatre à
cinq mètres de haut où passe le RER. Ça tombe bien, il y a quelques terrains
vagues judicieusement offerts aux nécessités de ma Flèche. Une fois qu’elle
s’est bien dégourdie, nous allons vers la casbah dont m’a parlé pépère. En
effet, le bâtiment ne paie pas de mine, la façade est lézardée, les corniches
en béton pendantes et seule la porte semble presque neuve, style porte de
prison. J’appuie sur une sonnette, un bourdonnement se fait entendre et je
pousse la lourde. Un gars fort aimable, la trentaine, me reçoit. Il lui reste
une chambre mais il me prévient, c’est au second, WC et salle de bains commune
sur le palier et la fenêtre en prise directe sur la gare du RER. Et tout cela à
un prix pour lequel j’aurais un palace à Marmande. Enfin, soit. Je paie avec ma
carte, il me file le code et je sors dans la rue pour entendre arriver le train
avec sa sonnerie d’ouverture des portes. Nous faisons encore un tour puis,
après avoir ramené Flèche à la fourgonnette, je vais manger un sauté de bœuf
épicé chez mon malabar chinois. Au moins, là, je me régale et je prends mon
temps avant de retourner dans l’impasse. Discrètement, je me glisse à nouveau
dans le chantier et je retourne à mon poste d’observation. La fenêtre du
rez-de-chaussée est toujours ouverte et la lumière est allumée. On entend des
voix, il me semble que c’est une télé. Je me déplace vers une autre pièce de
laquelle j’ai une meilleure vue plongeante. Je vois un écran de télé et un
canapé dans lequel un gars est affalé : on pourrait penser qu’il s’agit du
beur à la Golf. Il boit directement à même une canette. Une silhouette circule
dans la pièce sans que je puisse voir la personne. Il me vient une idée :
appeler le numéro, comme l’autre jour, en masqué. Je vois le gars à la canette
qui se trémousse et qui sort quelque chose de sa poche. Il regarde, hoche la
tête et semble attendre en regardant son appareil. Le répondeur se déclenche et
je raccroche. Pas besoin d’insister, c’est bien le gus Alouari. Il est en
grande discussion avec la silhouette qui s’approche te se met à la fenêtre. Là,
pas d’erreur, c’est bien le black de l’autre jour.
(à suivre...)
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