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jeudi 17 décembre 2015

Le cabot de Fortunio (76)

Je l’entraîne de l’autre côté de la rue et je m’assois sur une murette. Willy fait de même.
-          Bon, dis-je, on va pas jouer aux devinettes. Je suis enquêteur privé. Tu sais ce que c’est, un enquêteur privé ?
-          Monsieur est détective ? me dit-il en me regardant par-dessous.
-          Si tu veux. J’ai un client qui m’a mis sur ta piste…
-          Tu s’rais pas un keuf, des fois ?
-          J’ai une gueule de keuf, moi ?
-          Pas vraiment, mais un poulet, ça trompe énormément…
-          Bon, je reconnais que tu m’as eu. Alors, tu travailles pour Edkès en ce moment ?
-          Qu’est-ce tu racontes ? De qui tu causes encore ? Je suis chômeur, moi m’sieur ! Et fier de l’être !
-          On a la fierté qu’on peut, mon gars. Allons, t’as bien vu que je te suivais depuis Arcueil…
-          Ouais, peut-être, mais bon, je suis pas allé voir un gars… comment tu l’appelles ?
-          Te fous pas de moi, Bak t’a viré et il t’a dit d’attendre qu’il te siffle. T’as fait un boulot pour Latik et tu voudrais être payé.
-          Non mais, d’abord, toi tu travailles pour qui, c’est qui ton client à la noix ?
-          Ah tu le connais alors ?
-          Comment ça, je l’connais ?
-          Bah, il s’appelle Dunoyer le client à la noix !
Là, je reconnais que je pousse un peu mais, baste, je ne suis pas du métier et le mieux c’est de balancer au hasard, parfois plus c’est gros, plus ça passe.
-          C’est vrai, c’te connerie ? Un nommé Dunoyer ? Je connais pas de Dunoyer, moi…
-          Mais lui, il te connait. Et il a bien l’impression que tu faisais partie de la bande qui a empoché un million deux d’argent frais sous le soleil du Gondo. Alors, il faut bien remonter le fil, mon gars…
Le Willy passe du rouge au pâle, je crois bien que j’ai touché une corde sensible.
-          Le Gondo, c’est quoi ce truc, dit-il en chevrotant.
-          Dunoyer, il te connait, dis-je en le prenant par le col. Dunoyer te connait et si tu me donnes pas des raisons d’espérer, il risque de parler de toi en haut lieu… pour qu’ils te mettent en basse fosse.
-          Tu m’embrouilles avec tes conneries, dit-il en roulant des gobilles comme la Fadela.
-          Je t’embrouille pas, mon gars, dis-je en resserrant ma prise sur son encolure, tu sais très bien de quoi je parle et tu tournes autour du pot. Mais tant va le pot à l’eau qu’à la fin y s’retrouve en taule. Je ne suis qu’un petit enquêteur mais derrière moi, il y a des gens puissants. Et c’est pas toi qui les intéresses, tu comprends ça ? Ça me plairait pas, à ta place, de casquer pour les autres… Si y’avait eu que le fric, encore, mais vous l’avez flinguée, la gonzesse. C’est ça l’erreur, t’as une mort sur la conscience !
-          Oh oh ! Pas si vite, Toto, tu m’prends pour qui ?
Là, je me tais sans cesser de le regarder. Un flic célèbre a dit : « …le dernier mot, chose paradoxale, appartient à celui qui se tait… » . Je sens que mon silence marque un point. Il finit par craquer :
-          T’as pas une clope ? biaise-t-il.
-          T’es passé devant un troquet y’a deux minutes, y z’en avaient peut-être…, réponds-je.
-          Yes sir, mais y vendent qu’aux consommateurs, y font pas crédit et je suis raide…
-          Allons, on va y aller, ça fera coup double. Tu boiras bien un ouiskard avec une cibiche ? Je m’en fumerais bien une moi aussi.

-          Si c’est toi qui régales, d’accord.
(à suivre...)

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