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dimanche 26 juin 2016

Chroniques de Serres et d’ailleurs. (40)





Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour.  « Vous n’en avez pas marre de la crise ? »
J’ai eu la surprise de recevoir un courriel ainsi intitulé. Cela n’est-il pas intelligent de poser une telle question ? Je vous le demande car c’est bien le premier qui s’adresse ainsi à moi.
Rappelez-vous : j’en ai marre, marabout, bout d’ficelle, selle de ch’val, ch’val de course, course à pied et y’a qu’un ch’veu sur la tête à Mathieu… Ces comptines remontent à notre enfance et il y a bien toujours quelque chose dont nous pouvons avoir marre. Il y a le temps, une fois trop chaud, une fois trop froid, une autre fois trop tiède. La pluie, le soleil, la grêle. Et les impôts, les tracasseries administratives, la lenteur des rentrées d’argent, les factures qui arrivent trop vite. Et à cela s’ajoutent les embarras de la circulation, les imbéciles qui ont eu leur permis dans un paquet de lessive, les péages d’autoroute, les hirondelles, les pervenches, les prunes qui se transforment en redevances. Il y a aussi les tracteurs, les piétons, les cyclistes, les nids de poules, les déviations et les circulations alternées. N’oublions pas le marketing téléphonique, les bonimenteurs, les élus menteurs, les rages de dent, les déjections canines sur les trottoirs et les olibrii (un olibrius, des olibrii, un abribus des abribi…) en tous genres.
Il y a donc tant et plus de choses dont nous pouvons avoir marre et parmi celles-ci citons les gens qui nous demandent si nous avons marre et surtout ceux qui nous parlent de la crise. En effet, quel meilleur moyen pour ajouter de la crise à la crise que d’en parler et d’en reparler ? Donc, si la crise n’existait pas au départ, elle finira par exister par la grâce des commentateurs qui en parlent sans la connaître, la commentent sans savoir ce qu’elle est et pontifient en étalant leur ignorance de ce que pourrait être une vraie crise.
Mais il y a aussi et surtout ce dont nous n’avons nullement marre et dont nous pensons fermement que nous n’en aurons jamais marre : les fragiles et brumeux levers de soleil, les forets profondes, les rivières indociles, les campanules légères, les boissons fraîches et capiteuses, les salades douces et craquantes, les grasses noix de cajou et les sèches amandes… j’en passe mais des meilleures : l’amour, la tendresse et l’amitié, l’humour, le plaisir, les souvenirs heureux et la douce espérance, la beauté, la bonté et l’intelligence de la vie.
Le jour où la crise viendra, nul ne l’aura vue arriver car quand on veut assécher le marais, on ne prévient pas les grenouilles.
Plutôt que d’en avoir marre, il vaut mieux jeter un pavé dans la mare.

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