Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. De nos jours, les localités ne savent plus
comment se distinguer : on élit les plus beaux villages de France, les
villages et les monuments préférés des Français, les villages fleuris, les
villages écoresponsables, les villages sans pesticides, les villages étoilés ou
éclairés et autres distinctions. Mais jusqu’à présent, il n’existait pas encore
de plus sot village de France. Pour combler ce manque, un aréopage de têtes
pansues s’est réuni et, sans barguigner, a sélectionné les lieux les plus
remarquables à ce point de vue.
La lutte fut dure car, malgré une
sévère sélection, il restait en finale un quarteron de candidats très
prometteurs. Mais un village se détacha nettement et sa victoire fut
incontestable, auréolée par la qualité de la dream team qui se tient à sa tête. Citons quelques-unes des phrases
que leur chef a, sinon prononcées, tout au moins exprimées
inconsciemment : « Mentir
avant de connaître la vérité et renier notre parole avant de l’avoir donnée,
tel sera notre programme » et « Nous sommes sots et fiers de l’être.
Notre orgueil sera de le rester, notre espérance de le devenir plus
encore ». Cette bourgade fait honneur à ses dirigeants. Ceux-ci sont, il
faut le dire, toujours cliniquement
vivants.
Dans un
pays en voie d’an-alphabétisation, ce village a plusieurs longueurs d’avance,
si on peut parler ainsi. Certes, les lieux sont culturellement sinistrés mais
il y a toujours des bribes de folklore qui permettent de faire croire à un
substrat préexistant quoique la sottise soit autosuffisante et qu’elle croisse
mieux en l’absence de stimulations intellectuelles. La sottise plénière se rit
de la morale, se moque de la philosophie et singe les religions, se parant
ainsi des plumes ocellées du paon.
La
sottise transcende les partis (et réciproquement), en cela ce patelin peut se
targuer de pluralisme politique mais bien sûr nullement de pluralisme
intellectuel. Ceci lui permet de fonctionner en économisant les moyens
cognitifs dont ses dirigeants sont de toute façon dépourvus. Il est donc
particulièrement remarquable d’arriver à un tel niveau de sottise en disposant
seulement du potentiel cérébral d’un troupeau de mollusques de nombre
équivalent.
Mais
pour remettre une telle distinction il fallait bien une personnalité qui fût
d’un niveau en rapport avec cette exceptionnelle sottise. On ne pouvait tout de
même pas confier une telle tâche au premier venu et ce fut donc à un président
de Conseil que l’on fit appel. Il n’en manque pas au palmarès de l’idiotie et
de l’insanité : des spécialistes de la sornette, de la bévue et de la niaiserie, à savoir quelque ancien
ministre-futur sénateur par exemple. Nos belles régions ne manquent nullement
de cette engeance. On en trouva un et ce fut un régal de discours benêts, de
citations ineptes et de déclarations stupides. Il ne manquait qu’un auditoire
de glands et de balourds, on ne chercha pas longtemps, ils se présentèrent
spontanément, docile troupeau qui eût réjoui Panurge. L’assemblée applaudit
avec une ferveur qui n’avait d’égale que son ignorance et son incompréhension.
Car cette bourgade est en effet la seule à être entièrement accessible aux
malcomprenants.
Pour
ne pas en rester là, il fallait, à l’instar des villes et villages fleuris et
autres géniales classifications du genre, créer une hiérarchie de la sottise villageoise
(les villes étant pour le moment hors catégorie) avec un logo qui, à l’entrée
du village concerné, le situerait dans l’échelle de la sottise. Celui-ci fut
vite trouvé : le peigne est le symbole de la sottise car celle-ci est
généralement exercée par des peigne-culs. Un, deux ou trois peignes seraient
attribués selon les capacités du village et de ses élus, sans toutefois être
attribuées à vie, la sottise devant se
prouver et s’éprouver.
On
voit par-là que tout cela restera dit sous le sceau du secret.
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