En vedette !

dimanche 11 décembre 2016

Chronique de Serres et d’ailleurs II (13)


Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. De nos jours, les localités ne savent plus comment se distinguer : on élit les plus beaux villages de France, les villages et les monuments préférés des Français, les villages fleuris, les villages écoresponsables, les villages sans pesticides, les villages étoilés ou éclairés et autres distinctions. Mais jusqu’à présent, il n’existait pas encore de plus sot village de France. Pour combler ce manque, un aréopage de têtes pansues s’est réuni et, sans barguigner, a sélectionné les lieux les plus remarquables à ce point de vue.
La lutte fut dure car, malgré une sévère sélection, il restait en finale un quarteron de candidats très prometteurs. Mais un village se détacha nettement et sa victoire fut incontestable, auréolée par la qualité de la dream team qui se tient à sa tête. Citons quelques-unes des phrases que leur chef a, sinon prononcées, tout au moins exprimées inconsciemment : « Mentir avant de connaître la vérité et renier notre parole avant de l’avoir donnée, tel sera notre programme » et « Nous sommes sots et fiers de l’être. Notre orgueil sera de le rester, notre espérance de le devenir plus encore ». Cette bourgade fait honneur à ses dirigeants. Ceux-ci sont, il faut le dire, toujours cliniquement vivants.
Dans un pays en voie d’an-alphabétisation, ce village a plusieurs longueurs d’avance, si on peut parler ainsi. Certes, les lieux sont culturellement sinistrés mais il y a toujours des bribes de folklore qui permettent de faire croire à un substrat préexistant quoique la sottise soit autosuffisante et qu’elle croisse mieux en l’absence de stimulations intellectuelles. La sottise plénière se rit de la morale, se moque de la philosophie et singe les religions, se parant ainsi des plumes ocellées du paon.
La sottise transcende les partis (et réciproquement), en cela ce patelin peut se targuer de pluralisme politique mais bien sûr nullement de pluralisme intellectuel. Ceci lui permet de fonctionner en économisant les moyens cognitifs dont ses dirigeants sont de toute façon dépourvus. Il est donc particulièrement remarquable d’arriver à un tel niveau de sottise en disposant seulement du potentiel cérébral d’un troupeau de mollusques de nombre équivalent.
Mais pour remettre une telle distinction il fallait bien une personnalité qui fût d’un niveau en rapport avec cette exceptionnelle sottise. On ne pouvait tout de même pas confier une telle tâche au premier venu et ce fut donc à un président de Conseil que l’on fit appel. Il n’en manque pas au palmarès de l’idiotie et de l’insanité : des spécialistes de la sornette, de la bévue et  de la niaiserie, à savoir quelque ancien ministre-futur sénateur par exemple. Nos belles régions ne manquent nullement de cette engeance. On en trouva un et ce fut un régal de discours benêts, de citations ineptes et de déclarations stupides. Il ne manquait qu’un auditoire de glands et de balourds, on ne chercha pas longtemps, ils se présentèrent spontanément, docile troupeau qui eût réjoui Panurge. L’assemblée applaudit avec une ferveur qui n’avait d’égale que son ignorance et son incompréhension. Car cette bourgade est en effet la seule à être entièrement accessible aux malcomprenants.
Pour ne pas en rester là, il fallait, à l’instar des villes et villages fleuris et autres géniales classifications du genre, créer une hiérarchie de la sottise villageoise (les villes étant pour le moment hors catégorie) avec un logo qui, à l’entrée du village concerné, le situerait dans l’échelle de la sottise. Celui-ci fut vite trouvé : le peigne est le symbole de la sottise car celle-ci est généralement exercée par des peigne-culs. Un, deux ou trois peignes seraient attribués selon les capacités du village et de ses élus, sans toutefois être attribuées à vie, la sottise devant se  prouver et s’éprouver.
On voit par-là que tout cela restera dit sous le sceau du secret.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire