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dimanche 4 juin 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs II 38



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Lève-toi, en marche ! » Ainsi notre messianique président s’est-il adressé à notre république et de toutes parts se sont levés ses membres paralysés. On se croirait dans un remake de la bonne nouvelle d’il y a une vingtaine de siècle, mais en tant que nanar managéro-entrepreneurial. Déjà on avait vu le petit Macron dans son berceau, entouré des rois mages de l’ENA, de Bercy et de la Banque Rothschild avec Hollande et Bayrou dans le rôle de l’âne et du bœuf. Puis il partit sur les routes, nouvel enfant prodige autant que prodigue, Mozart de la finance, Rimbaud de l’économie ainsi que fastueux Lucullus du quai de Bercy où il multipliait les petits fours. Après s’être retiré pendant près de deux ans dans le désert du ministère, il revint discourir sur les béatitudes que nous promettent les entreprises, l’Europe et le monde mondialisé. Et maintenant, il recrute des apôtres, mais point d’apôtres professionnels, seulement des disciples estampillés, issus de ce qu’il a nommé la « société civile ». Ah ! Société civile, que de belles et grandes choses se feront sous ton égide !
Mais, en fait, qu’est-ce donc que la « société civile » ? Vous aurez compris qu’il ne s’agit nullement d’une société civile immobilière, financière ou professionnelle. Pas plus qu’il ne faut opposer société civile à société militaire. En quelque sorte, la société civile est au monde de la politique ce que les laïcs sont au clergé, à savoir des non-professionnels de la politique mais qui sont prêts à le devenir. En effet, un candidat à la députation qui serait un candide en politique, jamais élu ni prébendé nulle part – ou si peu-, quitterait, aussitôt élu, sa blanche toge de sociétaire civil pour devenir un politicien et cela n’est pas le moindre des paradoxes. Jésus avait choisi ses disciples parmi de simples pêcheurs et ceux-ci devinrent par ce fait, des apôtres et mêmes pour quelques d’entre eux des évangélistes. Et c’est bien là aussi que surgit la suprématie de ce président qui, sans être passé par la case départ ni par la case prison ni par la case élection législative, se retrouve par la grâce d’un seul scrutin, quoiqu’à deux tours, au sommet de l’Etat.
Mais, que l’on se rassure, ces candides candidats ne seront pas tous élus car ils ne possèdent pas toute la rouerie des vieux routards. Ensuite il se pourrait que cela se passe comme dans certaines élections où de glorieux inconnus s’étaient illustrés en se faisant élire puis plus tard en se faisant attraper la main dans le pot de confiture. Mais foin de prédictions, revenons à nos candidats-disciples-apôtres. Parmi ces derniers, d’aucuns n’auront pas à se donner la peine de se présenter aux élections pour être nommés ministres. En effet, il est question d’un gouvernement formé pour moitié d’experts de la société civile. Et qu’est-ce donc qu’un expert de la société civile ? C’est quelqu’un qui sait. Et c’est un terrible handicap que le savoir. En effet, dans un monde comme le nôtre, bien des gens croient tout savoir ou presque et ce qu’ils ne savent pas, ils le trouvent dans un forum sur Gloubeule. Tous ces gens parlent à tort et à travers, déblatèrent et vitupèrent sans que leur parole ait le certificat d’authenticité que leur confère l’expertise. La parole de l’expert n’est pas un chant d’oiseau mais c’est un rouleau compresseur qui laisse derrière lui un sol plat, uniforme et standardisé. La parole de l’expert est indubitable et sacrée. Car l’expert ne se trompe jamais, c’est le seul homme libre et indépendant sur notre terre. Là où l’homme de la rue se trompe, patauge dans l’erreur et s’empêtre dans ses contradictions, l’expert assène une vérité certifiée. Il se nourrit des erreurs des autres pour régurgiter de la vérité et ceux qui osent croire qu’il se contredit sont victimes d’une simple illusion d’optique. Un gouvernement d’experts venus de la société civile est le plus bel espoir totalisant de notre monde scientifique, technique et marchand.
On voit par-là que plus il y aura d’experts, plus il y aura de raisons qu’on espère.

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