Auditrices
et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. « Lève-toi, en marche ! »
Ainsi notre messianique président s’est-il adressé à notre république et de
toutes parts se sont levés ses membres paralysés. On se croirait dans un remake
de la bonne nouvelle d’il y a une vingtaine de siècle, mais en tant que nanar
managéro-entrepreneurial. Déjà on avait vu le petit Macron dans son berceau,
entouré des rois mages de l’ENA, de Bercy et de la Banque Rothschild avec
Hollande et Bayrou dans le rôle de l’âne et du bœuf. Puis il partit sur les
routes, nouvel enfant prodige autant que prodigue, Mozart de la finance,
Rimbaud de l’économie ainsi que fastueux Lucullus du quai de Bercy où il
multipliait les petits fours. Après s’être retiré pendant près de deux ans dans
le désert du ministère, il revint discourir sur les béatitudes que nous
promettent les entreprises, l’Europe et le monde mondialisé. Et maintenant, il
recrute des apôtres, mais point d’apôtres professionnels, seulement des
disciples estampillés, issus de ce qu’il a nommé la « société
civile ». Ah ! Société civile, que de belles et grandes choses se
feront sous ton égide !
Mais, en
fait, qu’est-ce donc que la « société civile » ? Vous aurez
compris qu’il ne s’agit nullement d’une société civile immobilière, financière
ou professionnelle. Pas plus qu’il ne faut opposer société civile à société
militaire. En quelque sorte, la société civile est au monde de la politique ce
que les laïcs sont au clergé, à savoir des non-professionnels de la politique
mais qui sont prêts à le devenir. En effet, un candidat à la députation qui
serait un candide en politique, jamais élu ni prébendé nulle part – ou si peu-,
quitterait, aussitôt élu, sa blanche toge de sociétaire civil pour devenir un
politicien et cela n’est pas le moindre des paradoxes. Jésus avait choisi ses
disciples parmi de simples pêcheurs et ceux-ci devinrent par ce fait, des
apôtres et mêmes pour quelques d’entre eux des évangélistes. Et c’est bien là
aussi que surgit la suprématie de ce président qui, sans être passé par la case
départ ni par la case prison ni par la case élection législative, se retrouve
par la grâce d’un seul scrutin, quoiqu’à deux tours, au sommet de l’Etat.
Mais, que
l’on se rassure, ces candides candidats ne seront pas tous élus car ils ne
possèdent pas toute la rouerie des vieux routards. Ensuite il se pourrait que
cela se passe comme dans certaines élections où de glorieux inconnus s’étaient
illustrés en se faisant élire puis plus tard en se faisant attraper la main
dans le pot de confiture. Mais foin de prédictions, revenons à nos
candidats-disciples-apôtres. Parmi ces derniers, d’aucuns n’auront pas à se
donner la peine de se présenter aux élections pour être nommés ministres. En
effet, il est question d’un gouvernement formé pour moitié d’experts de la
société civile. Et qu’est-ce donc qu’un expert de la société civile ?
C’est quelqu’un qui sait. Et c’est un terrible handicap que le savoir. En
effet, dans un monde comme le nôtre, bien des gens croient tout savoir ou
presque et ce qu’ils ne savent pas, ils le trouvent dans un forum sur
Gloubeule. Tous ces gens parlent à tort et à travers, déblatèrent et vitupèrent
sans que leur parole ait le certificat d’authenticité que leur confère
l’expertise. La parole de l’expert n’est pas un chant d’oiseau mais c’est un
rouleau compresseur qui laisse derrière lui un sol plat, uniforme et
standardisé. La parole de l’expert est indubitable et sacrée. Car l’expert ne
se trompe jamais, c’est le seul homme libre et indépendant sur notre terre. Là
où l’homme de la rue se trompe, patauge dans l’erreur et s’empêtre dans ses
contradictions, l’expert assène une vérité certifiée. Il se nourrit des erreurs
des autres pour régurgiter de la vérité et ceux qui osent croire qu’il se
contredit sont victimes d’une simple illusion d’optique. Un gouvernement
d’experts venus de la société civile est le plus bel espoir totalisant de notre
monde scientifique, technique et marchand.
On voit
par-là que plus il y aura d’experts, plus il y aura de raisons qu’on espère.
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