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dimanche 11 juin 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs II 39



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. Aujourd’hui je vais vous parler d’un livre qui m’est cher car je l’ai lu il y a plus de cinquante ans et, chaque fois que je passe par ce coin de Périgord dont il parle, je ne peux m’empêcher de penser à « Pontcarral » d’Albéric Cahuet. Voilà ce qu’écrit Albéric Cahuet au début de son livre. « Dans la petite histoire d’une vallée on peut retrouver la grande histoire tourmentée d’un pays, comme l’on voit une goutte d’eau refléter un monde. »
Alors, qui était donc ce Pierre Pontcarral ? Le fils d’un habile colporteur lui-même un enfant trouvé sur la commune de Cénac, au bord d’un ruisseau, au lieu-dit Pontcarral, le pont aux charrettes, d’où on lui donna ce patronyme. Le fils du colporteur, fasciné par les images et les fascicules vendus par son père devint très tôt un enfant intelligent et son père put le faire instruire par un maître à tout apprendre qui s’attacha à ce gosse au point, bien plus tard, d’en faire son héritier. En 1804, le colporteur mourut et en 1805, avec l’avènement de l’Empire et le début de la campagne d’Autriche, le jeune Pontcarral s’engagea. Il vécut des années fulgurantes et une ascension rapide au grade de colonel après avoir accompli moult exploits en dix ans de guerre. Puis, après Waterloo, le voilà contraint de vivre en coupable faussement pardonné et constamment guetté, ne pouvant même plus habiter le petit domaine de Fondaumier que son père, après une vie d’économies, lui avait légué. Rebelle et paria sous la Restauration, il se trouve un jour assiégé dans la grange d’un hôtel de Sarlat par toute une troupe de gendarmes, de dragons et de gardes nationaux. Monté sur son cheval, il ouvrira brutalement le portail d’un large coup de sabre et, torse nu pour ne pas donner prise à ses assiégeants, il bousculera ses assaillants déconfits. Il ira se réfugier dans l’hôtel particulier d’un autre grand sabreur de l’Empire, le général Fournier-Sarlovèze. Le face à face entre les deux hommes est sévère, l’un fidèle à ses engagements et l’autre passé au service de la royauté. Mais ce dernier accueillera quand même son ancien compagnon d’armes pour lui permettre d’émigrer aux Amériques.
En 1821, sa proscription fut abolie. Il put revenir chez lui mais assigné à résidence et sans solde. On le voyait passer, sombre et solitaire, superbe de désespoir. Et c’est en 1828 que le roman de sa vie commença. Il fit éviter, sur un chemin dangereux, un accident à la jeune Sybille de Ransac. Celle-ci lui demandera de lui apprendre à monter un cheval correctement. Haï par la noblesse locale, Pontcarral sera quand même reçu à Ransac par le vieux marquis qui lui donna son amitié. De fil en aiguille,  ou si l’on préfère de cravache en étrier, Pontcarral sera amené à faire la connaissance de Garlone, veuve et sœur ainée de  Sybille. Toujours sous l’hostilité de la noblesse locale, ils se marièrent mais vécurent sous les sombres nuages de l’incompréhension jusqu’au moment de l’avènement de la monarchie de juillet où Pontcarral retrouva son grade de colonel puis fut nommé général. Mais Garlone était restée amoureuse d’un ancien amant qu’elle aidera financièrement. Ce qui devait arriver arriva, Pontcarral provoqua l’amant en duel et le tua. Le couple mit de la distance, Pontcarral à Paris et Garlone à Bade mais cette fois, c’est Pontcarral qui tomba amoureux de Sybille. Comprenant qu’il ne supporterait pas une telle situation et refusant de céder à toute tentation, il partit avec son escadron pour l’armée d’Algérie. Il ne reparut jamais en France et mourra courageusement en chargeant à la tête de la cavalerie. Son corps fut inhumé en Algérie.
Albéric Cahuet conclura : « Et c’est parce qu’il fut unique, parce qu’il fut exception, parce que sa présence posthume reste si forte dans les lieux de sa disgrâce, de sa misère, de son amour, que sa mémoire illustre cette terre de rocs abrupts, de ceps tourmentés, de taillis noirs. »

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