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dimanche 18 juin 2017

Chronique de Serres et d’ailleurs II 40



Auditrices et auditeurs qui m’écoutez, bonjour. La vie à la campagne n’a pas toujours été une sinécure mais avec le progrès elle devient plus moderne et plus bureaucratique. Prenons un exemple, les vaches ne parlent plus de revenir à l’étable après avoir pataugé par le clot mais elles se flattent d’entrer dans une stabulation en passant par le pédiluve. Le progrès ne se voit pas seulement mais aussi il s’entend. Et il en va ainsi de moult autres mots et expressions qui se sont soit scientifisés soit américanisés. On ne parle plus que de cornadis, de caillebottis, de round baller  et de pickups. Sans oublier tous les navrants acronymes imposés par l’administration de l’agriculture, la PAC, la PMTVA et autres abréviations jargonnisantes.
Mais là où on voit bien cette évolution progressiste à l’œuvre, c’est dans la manière de nommer les opérateurs professionnels, pour parler comme les messieurs des ministères. Avant, on parlait de paysans. Mais que ce terme est vulgaire, ont pensé certains, et ils ont proposé de les nommer agriculteurs. C’était encore trop simple et on en est venu à dire « exploitants agricoles ». Ah que les choses dites ainsi sont belles et judicieuses ! Donc, depuis les petits culs-terreux aux deux vaches, quatre chèvres et quelques petits arpents de maigre terre jusqu’au propriétaire-châtelain sur des milliers d’hectares, tous sont des exploitants agricoles. Quelle adroite démocratie langagière ! Bien sûr, il y a encore un syndicat paysan mais qui n’intéresse nullement les experts et les spécialistes des ministères et des administrations car ce syndicat ne représente que de vrais petits paysans et il n’est guère avide de grasses prébendes comme d’autres syndicats agricoles toujours prêts à se faire câliner financièrement par l’Etat et par les grandes firmes agroalimentaires toujours soucieuses de faire le jeu d’un corporatisme étroit qui profite toujours aux mêmes.
Donc, maintenant, le paysan est devenu un chef d’entreprise, il a un numéro Siret, un numéro d’établissement, un code NAF, un numéro de TVA Intracommunautaire, j’en passe et non des moindres. Chaque tête de bétail est estampillée, numérotée et répertoriée plus que ne pourrait l’être un humain lambda. Ce qui n’empêche pas la circulation des épidémies, des virus et autres réjouissances. Ce qui n’empêche pas plus certaines organisations mafieuses de faire du trafic et certains importateurs indélicats de vendre du cheval de réforme pour du bœuf à lasagnes. Mais c’est bien à cela qu’on voit que le progrès fait rage.
Mais que l’on se rassure, le nouveau ministre de l’agriculture est un radical de gauche et du Cantal, avocat de formation, sénateur, fils de sénateur et père d’assistant parlementaire de sénateur : c’est dire si dans la famille cela sénate radicalement. Ce farouche défenseur de la laïcité saura défendre le bœuf français contre la tentation du halal, à chacun son métier et les vaches seront bien gardées.
Alors, monsieur le Ministre, si vous pouvez faire quelque chose pour les paysans, ces manants et ces croquants dont bon nombre sombrent parfois dans le désespoir, faites-le avant que les grossiums de l’agroalimentaire, l’administration et autres CETA – TAFTA ne les fassent disparaître à tout jamais. N’ayez pas peur de marcher dans la boue et de visiter des étables avec de la paille et du fumier. N’ayez pas peur non plus d’aider les paysans à se débarrasser des produits et des lois toxiques qui empoisonnent tant le paysan que le consommateur.
On verra par-là qu’on ne fait pas de bonne nourriture sans bonne volonté.

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