Je serrai la main tendue
en me demandant ce que ce gars savait de moi. Il n’avait pas l’air hostile et
il semblait vouloir sympathiser. Mais je devais rester méfiant pour deux
raisons : d’une part il avait une clé pour entrer dans le château et donc
c’aurait pu être lui qui avait récupéré la clé de la cave, et d’autre part je
lui avais fait porter des cornes pas plus tard que cette nuit et sa légitime
m’avait fait quelques confidences à son sujet. Je restai donc sur mes gardes.
— Je suis du 47, mais je
me déplace souvent, répondis-je.
— Autant que je te mette
tout de suite au jus : là tu fais un chantier, ça gêne personne. Mais si tu
entres dans l’appel d’offres, il y en a qui risquent de ne pas apprécier, Vitteaux
par exemple. de Montieu, c’est un client à lui depuis longtemps et tu risques
de lui marcher sur les pieds. Tu as entendu parler de Vitteaux ? C’est la plus
grosse boîte en bâtiment et BTP du coin.
— Tu le connais ? Lui
demandé-je en adoptant le tu à mon tour.
— Bien sûr, on est tous
les deux conseillers municipaux à Sciérac et on marche la main dans la main. Il
sait déjà que tu t’es mis sur les rangs pour l’appel d’offres. C’est pour ça,
il m’a dit que si je te voyais, je te mette un peu au parfum…
— Oh mais, je ne suis pas
venu pour foutre la merde, moi. Si je marche dans les plates-bandes des autres,
il suffit d’en parler, tu as raison. Moi je me retire de l’affaire, j’y suis
rentré un peu par hasard, mais je ne compte pas m’imposer…
— On ne te demande pas de
te retirer de l’appel d’offres. Si tu veux rendre service, tu réponds, simplement
tu m’appelles avant et je te dis à quel niveau tu soumissionnes. Tu vois ce que
je veux dire ? Me dit-il en clignant de l’oeil.
— On se comprend, ça
marche. Il y aura bien un petit renvoi d’ascenseur un jour ou l’autre ? Lui
répondis-je d’un air entendu.
— Tu comptes rester dans
le coin ?
— Pas maintenant, je
finis ce boulot et je repars chez moi. Mais je bâtis de la pierre, si je
trouvais un chantier ou l’autre dans le coin…
— Si tu es réglo, on ne
t’oubliera pas, promis. Mais surtout, ne cherche pas à nous faire cocus, me
dit-il en fronçant le sourcil et en pointant l’index.
Alors là, je ne
m’attendais pas à celle-là. Il n’était sûrement pas au courant des dernières
frasques nocturnes de son épouse pour me sortir une telle expression.
(à suivre...)
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